Andrew Scheer le sympathique
Andrew Scheer possède plusieurs qualités pour tenir tête au populaire premier ministre Justin Trudeau. Son côté sympathique, naturellement rassembleur, peut compenser l’avantage Trudeau, qui demeurera le maître du show-business devant les caméras.
Une question sensible pollue sa victoire spectaculaire au leadership conservateur: a-t-il dû faire un pacte avec la droite sociale et religieuse pour franchir la barre et devenir chef? A-t-il dû faire des promesses de réouverture d’un débat comme celui de l’avortement pour gagner?
Les gens respecteront les convictions personnelles de monsieur Scheer. Les gens comprennent aussi qu’un gagnant d’élection est soutenu par une coalition de diverses tendances. Nul ne peut raisonnablement demander à quelqu’un à la recherche d’appuis de cracher sur des supporters. Cependant, un candidat ne doit jamais se mettre le bras dans un tordeur irréversible…
LE QUÉBEC
Au Québec, nous sommes particulièrement allergiques à voir des questions poussées par des groupes religieux se retrouver au centre des priorités politiques. Le nouveau chef conservateur sera constamment interrogé là-dessus. Il sera traité comme suspect.
Ses adversaires libéraux vont aussi s’appliquer à le définir comme un conservateur social et religieux. Des photos d’affiches brandies lors d’une manifestation pro-vie et invitant à voter Scheer circulent déjà. Fiez-vous à la puissante machine de communication libérale pour tracer un portrait peu flatteur de lui avec ce qu’ils auront sous la main.
Le chef élu assure qu’un gouvernement sous son leadership ne rouvrirait pas des questions comme le droit à l’avortement. Cependant, les militants pro-vie ont célébré si ouvertement sa victoire que des observateurs se demandent à quoi ceux-ci s’attendent. À tort ou à raison, ils ont l’air de penser que Andrew Scheer va leur ouvrir une porte.
TEST DE LEADERSHIP
Maintenant, Andrew Scheer a gagné. Il devra poser un geste pour prouver sur la place publique qu’il ne doit rien à personne. Il devra faire une démonstration qu’il a les mains libres vis-à-vis des groupes religieux ou dogmatiques. Il doit mettre le pied à terre et faire la preuve rassurante qu’une fois élu, il ne serait pas le cheval de Troie par qui la droite morale remettrait ses obsessions à l’ordre du jour.
Andrew Scheer pourrait bien avoir des occasions à court ou moyen terme de casser cette perception. Ses adversaires vont vouloir le piéger en mettant sur son chemin des votes sensibles sur des questions morales. On voudra diviser son caucus et faire ressortir l’émergence d’une droite sociale sous son leadership.
C’est à ce moment qu’il devra démontrer force et fermeté pour s’éloigner de cette faction. Il devra faire du judo avec les pièges tendus et s’en servir pour rassurer la population. Quitte à décevoir certains appuis issus de la droite sociale de l’Ouest canadien. De toute façon, ces gens vont voter pour qui d’autre?
Au Québec, les conservateurs ont beaucoup de chemin à faire. Le message de Andrew Scheer sur les finances publiques, les taxes et les familles pourrait bien intéresser les Québécois et fournir une solution de rechange valable aux libéraux. Mais la clarification de sa position sociale est requise pour garder les oreilles ouvertes.