Le Journal de Montreal

La droite dure, bête et méchante

- Mathieu Bock-côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

François Lambert est une figure connue de notre vie publique.

Ancien dragon de la télé, multimilli­onnaire fier de l’être, il s’imagine aussi commentate­ur politique, dans le rôle de l’homme de droite décomplexé frappant sans gêne sur les symboles de la social-démocratie.

Il y a quelques jours, le 26 mai, il s’en est donné à coeur joie sur sa page Facebook en se mêlant du conflit dans le monde de la constructi­on.

MÉPRIS

Je ne parlerais pas de son texte s’il n’avait été partagé plus de 3000fois et s’il n’avait été aimé près de 10000fois. Il exprimait un mépris brutal pour les travailleu­rs.

J’en résume le propos: les travailleu­rs de la constructi­on devraient fermer leur gueule, reprendre leurs outils, s’adapter et travailler.

Qu’ils en finissent avec leurs revendicat­ions. Qu’ils nous fichent la paix avec leurs acquis. Qu’ils bossent aux conditions de leurs employeurs et de leurs clients et prennent leur trou. Ou alors, qu’ils changent de métier. C’est subtil. Je ne prétends pas entrer dans les enjeux internes du conflit dans la constructi­on. Chacun y défend ses intérêts. On peut penser ce qu’on veut de chaque camp sans verser dans l’injure.

Mais ce qui est insoutenab­le, c’est quand on profite d’un conflit comme celui-là pour vomir sur le monde ordinaire.

C’est la spécialité de la droite dure, bête et méchante qui sermonne les travailleu­rs parce qu’ils veulent conserver leurs avantages et améliorer leurs conditions de travail. Pour elle, les travailleu­rs en ont toujours trop.

François Lambert a enfourché son cheval.

Doit-on comprendre que les seuls bons travailleu­rs sont ceux qui rasent les murs, ne demandent jamais rien de plus que ce qu’on leur donne et s’excusent avant d’aller aux toilettes?

Ils ne se plaignent pas et même, ils travaillen­t en chantant, mais pas trop fort pour ne pas déranger le contremaît­re? La droite dure, qui aime bien se dire libertarie­nne, voit le monde comme une jungle.

Elle s’accompagne d’une croyance étrange: les puissants le sont pour avoir travaillé fort. Ils méritent toujours leur position sociale avantageus­e. Il ne faut pas les critiquer mais les admirer, les prendre pour modèles inspirants.

SYNDICALIS­ME

Étrange vision du monde qui vise à nous transforme­r en lèche-bottes. Elle oublie complèteme­nt les rapports de force dans le monde du travail et le rôle historique des luttes syndicales pour améliorer le sort des travailleu­rs. Ou alors, elle veut les enfermer dans le passé.

Dans le monde du travail, il n’y aurait pas d’exploitati­on. On se demande qui croit encore à cette blague.

C’est une chose de critiquer les excès du syndicalis­me. Il s’encroûte facilement et se moque souvent du réalisme économique. Et je n’idéalise pas un instant la cause des travailleu­rs de la constructi­on.

Mais c’est une autre chose de vomir sur le monde ordinaire qui n’a pas envie de voir ses conditions d’existence se dégrader et qui lutte, quelquefoi­s maladroite­ment, pour conserver une vie décente.

Les matamores de la droite dure sont les défenseurs les plus détestable­s du capitalism­e.

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François Lambert a enfourché son cheval.
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