Le Journal de Montreal

Wonder Woman et le sexisme ordinaire

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Bon, ça y est, il fallait s'y attendre. À l'occasion de la sortie du film Wonder Woman (qui prend l'affiche au Québec le 2 juin), des cinémas américains d'Austin et de New York organisent le 6 juin cinq séances «interdites aux hommes».

Pourquoi? Ben, parce que Wonder Woman est une icône féministe, voyons! Vous ne saviez pas qu'en 2017, il y a des militantes qui pensent que la meilleure façon de célébrer le féminisme c'est d’exclure les hommes? Et après ça, elles dénoncent bien sûr l’horrible sexisme des «boys club». C’est tellement plus facile de voir le sexisme dans la cour du voisin.

LA FEMME DES TAVERNES

Imaginez si, au Québec, un cinéma avait offert des séances du film Les Boys «interdites aux femmes» sous prétexte que les ligues de garage sont des icônes de la «mâlitude». Ça aurait été ridicule, non? On aurait crié au sexisme, non? Pourquoi estce que quand des femmes font de la discrimina­tion, on est obligé de trouver ça formidable sous prétexte que «les femmes ont beaucoup souffert depuis des millénaire­s»?

Les féministes qui veulent des séances «pour femmes seulement» partent du principe que c’est chouette de se retrouver entre elles, pour célébrer leur pouvoir de femmes (le fameux girl power) sans avoir à souffrir de la présence dérangeant­e des hommes, qui ne comprennen­t rien à ce qu’elles ressentent…

Attendez deux secondes… n’est-ce pas exactement le discours que tenaient les hommes pour défendre les tavernes et que certains tiennent encore pour défendre les clubs de golf, les vestiaires sportifs ou les conseils d’administra­tion d’où les femmes sont absentes?

On ne corrige pas un tort en en créant un autre. Comme ils disent à New York et à Austin: «Two wrongs don’t make a right».

Ce n’est pas en excluant les hommes qu’on compense pour des siècles d’exclusion des femmes. Contrairem­ent à ce que laissait entendre une collègue de Sac de chips, il n'y a pas que des trolls édentés ou des gars bourrés de testostéro­ne qui trouvent ce concept ridicule. Je suis une femme, féministe, et je considère qu’il n'y a qu'un mot pour décrire ces soirées interdites aux hommes: sexistes.

JAMAIS DE CINÉMA SANS TOI

En plus, lors de ces représenta­tions spéciales dans les cinémas Alamo Drafthouse à Austin et New York, tout le personnel sur place sera constitué de femmes (ou de personnes s'identifian­t comme des femmes).

Non, mais sérieuseme­nt, les filles! Ça va changer quoi à votre soirée cinéma que la personne qui vous vend du popcorn ait un vagin ou que le projection­niste ait des seins?

Les féministes 2.0 sont tellement à court de causes valides à défendre qu'elles s'épuisent à mener des batailles futiles.

CHERCHEZ LA FEMME

Vous me direz qu’un cinéma est une entreprise privée. Que les proprios ont bien le droit d’organiser les soirées thématique­s qu’ils veulent. D’accord. Mais mon petit doigt me dit que jamais ces cinémas ne songeraien­t à instaurer des soirées «interdites aux Noirs» ou interdites aux «personnes racisées non binaires opposées au néo-libéralism­e». Alors qu’interdire l’entrée aux méchants représenta­nts du Patriarcat Oppresseur Hétérocent­riste Cisgenre, ça, il n’y a pas de problème.

On ne corrige pas un tort en en créant un autre

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