Le Journal de Montreal

L’art de la guerre moderne

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WASHINGTON — | Des livres ont été écrits. Des films ont été faits. On croyait y être en Corée en 1950, puis à Cuba en 1962, mais c’est maintenant qu’elle est livrée la 3e Guerre mondiale. Grosso modo, les Russes d’un côté, les Américains de l’autre. Ça ne saigne pas, mais ne vous y fiez pas : les Russes ont gagné la première bataille.

Ce conflit-ci n’a rien à voir avec les horreurs de la Grande Guerre ou l’orgie meurtrière de la Seconde. Et c’est tant mieux, bien sûr. La Russie, de toute façon, ne pourrait pas gagner ce genre d’affronteme­nts : son budget militaire est à peine un 10e de celui des États-Unis.

Elle n’est pas non plus dans le coup économique­ment. Au cours des cinq dernières années, avec l’effondreme­nt du prix du pétrole et les sanctions imposées après l’annexion de la Crimée, l’économie russe n’a fait qu’accumuler les mauvaises performanc­es.

Le dernier trimestre de 2016 a enfin enregistré une minuscule remontée, mais ce n’est pas la croissance de 1,1 % du PIB russe que prévoit Bloomberg pour 2017 qui va redonner de la vigueur à la classe moyenne du pays.

D’ailleurs, la Russie n’est pas même dans le coup socialemen­t. Les travailleu­rs sont peu productifs; l’alcoolisme est omniprésen­t; pire que tout, la population recule. De 146,3 millions qu’ils étaient en 2015, les démographe­s estiment qu’on ne retrouve plus que 143,4 millions d’habitants en 2016 dans la Fédération russe.

PAS À COURT DE MOYENS

Ils ne sont pas pour autant désarmés, les Russes. Ils ont conservé l’influence héritée de l’URSS. Ils possèdent toujours un siège avec droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Et ils disposent du plus large arsenal nucléaire de la planète. S’ils décidaient de s’en servir, ce serait laid. Pas de doute.

Il y a longtemps toutefois que le Kremlin a compris le langage de la dissuasion et le concept de «destructio­n mutuelle». Ils ne niaisent plus avec cette menace. On a tous hâte d’ailleurs que les Nord-Coréens apprennent la leçon eux aussi.

Il ne reste donc aux Russes que les pirates informatiq­ues et les manigances diplomatiq­ues. Leur première victoire, ils sont venus la chercher ici, aux États-Unis. Pas en faisant gagner Donald Trump; Hillary Clinton était — plus on y pense — une candidate condamnée dès le début.

TOUT LE MONDE EST MOUILLÉ

Leur triomphe, c’est d’avoir ébranlé la démocratie américaine et de tenir entre leurs mains, à ce que l’on comprend un peu plus chaque semaine, de quoi compromett­re un paquet de monde dans ce gouverneme­nt Trump.

Ainsi, les soupçons liant l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie tournent maintenant autour de Jared Kushner, gendre et très proche conseiller du président. Il aurait tenté d’établir un canal de communicat­ion secret avec la Russie pendant la période de transition entre la victoire électorale du 8 novembre et l’investitur­e du 20 janvier.

Ce n’est pas tout. Les services de renseignem­ents américains auraient intercepté, pendant la campagne présidenti­elle, des conversati­ons entre responsabl­es russes, évoquant des informatio­ns nuisibles sur le candidat Trump et ses plus proches adjoints.

John McCain, le sénateur républicai­n qui a passé cinq années de sa vie dans une prison vietnamien­ne, se promène un peu partout ces temps-ci en déclarant haut et fort que la véritable menace à la sécurité mondiale, ce ne sont pas les extrémiste­s de l’État islamique, mais Vladimir Poutine. À le voir aller, il semble bien qu’il a effectivem­ent les poches pleines de munitions, le président russe. Ça va continue de péter.

Il ne reste donc aux Russes que les pirates informatiq­ues et les manigances diplomatiq­ues

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Le gouverneme­nt du président russe Vladimir Poutine a de quoi compromett­re un paquet de monde dans l’administra­tion Trump.

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