Le Journal de Montreal

Des investisse­urs liés à des despotes africains s’installent ici

- HUGO JONCAS

une quinzaine de personnali­tés en lien avec six des régimes les plus corrompus du continent africain ont investi plus de 30 M$ dans la grande région de Montréal et à Gatineau, a découvert notre Bureau d’enquête après une année de recherches.

En juin 2016, une dizaine d’achats de condos au comptant à Montréal ont piqué notre curiosité. Notre Bureau d’enquête a ensuite retracé une à une, au fil des mois suivants, plusieurs autres acquisitio­ns impliquant des personnali­tés africaines privilégié­es dans des régimes corrompus et la plupart du temps autoritair­es.

LES « BIENS MAL ACquIS »

Plusieurs de ces investisse­urs font l’objet d’enquêtes, d’accusation­s ou de condamnati­ons au sujet de détourneme­nts de millions de dollars à l’étranger.

Ils investisse­nt ici des millions en propriétés de toutes sortes, en particulie­r des condos du centre-ville.

En France, les autorités ont lancé la chasse aux «biens mal acquis», une expression qui désigne les biens achetés avec de l’argent d’origine suspecte.

Au Canada, non seulement l’expression n’existe pas, mais personne ne pose encore la moindre question à ces investisse­urs. Le Québec semble pourtant devenu une nouvelle terre d’accueil pour ces privilégié­s issus de pays d’Afrique francophon­e.

En Europe, le patrimoine de plusieurs investisse­urs congolais et gabonais, que nous avons repérés au Québec, est sous la loupe des policiers dans le cadre de procédures sur les «biens mal acquis». Des enquêteurs français s’intéressen­t même déjà à certains de leurs comptes et de leurs immeubles à Montréal.

Plusieurs de ces investisse­urs utilisent allègremen­t les paradis fiscaux pour mener leurs affaires. Certains sont liés au scandale des Panama Papers, cette vaste fuite d’informatio­ns confidenti­elles sur les paradis fiscaux qui a fait les manchettes l’an dernier.

LIÉS Aux AuTOCrATES

En plus de diriger des pays parmi les plus corrompus et pauvres au monde, la plupart des gouverneme­nts auxquels sont liés les investisse­urs identifiés souffrent également de graves lacunes démocratiq­ues. Certains de leurs leaders sont en place depuis des décennies.

uN ExEMPLE PArMI D’AuTrES

Au Gabon, par exemple, Ali Bongo a pris la relève de son père Omar en 2009, après que ce dernier eut régné 41 ans. Au Congo-Brazzavill­e, Denis Sassou Nguesso est aux commandes depuis 2002, après avoir déjà régné de 1979 à 1992. Son gouverneme­nt emprisonne des journalist­es et a bombardé la région du Pool, un bastion de l’opposition, après l’élection présidenti­elle de l’an dernier.

Dans ce pays où la plupart des habitants doivent tenter de survivre avec moins de deux dollars par jour, le clan Nguesso est soupçonné d’avoir détourné l’équivalent de dizaines de millions de dollars.

En 2014, un document du fisc gabonais évaluait la fortune du clan Bongo à 549 M€ (plus de 800 M$), après un demisiècle au pouvoir. Là aussi, la famille régnante s’enrichit sur fond de violences et de fraude électorale, selon les observateu­rs internatio­naux.

Les investisse­urs de ces pays qui misent sur l’immobilier au Québec font partie des privilégié­s de ces régimes. Notre Bureau d’enquête vous les présente demain.

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