L’Afghanistan, des générations plus tard
WASHINGTON | on s’affole encore une fois autour du président Trump. Il vient de dire non aux environnementalistes, mais s’apprête à dire oui aux militaires. Seize ans que les États-unis sont empêtrés en Afghanistan et ce n’est pas près de finir.
À la fin de 2001, tout juste après les attentats du 11 septembre, les soldats américains sont débarqués en Afghanistan avec deux objectifs: briser d’abord les reins d’Al-Qaïda, l’empêcher d’utiliser le pays comme base pour orchestrer et lancer des opérations terroristes; puis, chasser les talibans du pouvoir, eux qui avaient accueilli et protégé Oussama ben Laden et sa bande. C’est aussi pour cela que le Canada leur a donné un coup de main.
110 000 morts plus tard, cette interminable guerre afghane se poursuit toujours. Non seulement les talibans continuent de faire partie du décor, mais ils contrôlent même le tiers du pays. Al-Qaïda n’est plus dans le coup, mais l’organisation terroriste a été supplantée par plus sanguinaire encore, les militants de l’État islamique.
PLUS RIEN DE SACRÉ
Mercredi, quelques jours à peine après le début du Ramadan, supposément le mois le plus saint de l’islam, des extrémistes musulmans ont attaqué d’autres musulmans au coeur de Kaboul, la capitale. Une explosion terrible qui a ravagé le quartier des ambassades, fait plus de 90morts et 450blessés. Un cratère gigantesque, une orgie de sang et des gens malheureux à n’en plus finir.
Un flash d’horreur qui va éveiller les consciences une nouvelle fois et justifier les appels à «agir de manière décisive pour stabiliser enfin ce pays», qui n’a pas connu de paix véritable depuis des décennies. La réflexion à ce sujet a déjà beaucoup progressé à la Maison-Blanche, mais est cousue de paradoxes pour le président Trump.
Alors qu’il vient de dire à la planète entière que les États-Unis n’ont pas l’intention de se mêler de leurs problèmes environnementaux, il va annoncer qu’il s’intéresse aux problèmes afghans au point d’y envoyer des milliers de soldats supplémentaires et d’y commettre des milliards de dollars de plus.
ET NOUS AUTRES, CETTE FOIS ?
«No way!»: le premier ministre Trudeau a été clair, le Canada ne va pas ajouter ses soldats à une mission renforcée de l’OTAN là-bas. Parce que Donald Trump se quête aussi de l’aide. Des 13 000 membres de la force internationale actuellement sur le terrain, 8400 sont américains.
La nouvelle stratégie exigerait jusqu’à 5000 militaires américains additionnels, mais plus intéressant encore, le président Trump laisserait ses généraux décider du nombre nécessaire de soldats, des cibles des bombardements et de l’intensité de ces raids. Cette guerre ne sera pas menée à la Maison Blanche, mais au Pentagone.
Quand les forces de l’OTAN ont mis fin, en 2015, à leurs opérations de combat pour se concentrer sur un rôle d’encadrement et de formation des troupes afghanes, la transition n’a surtout pas été perçue comme l’ultime triomphe après de longues batailles: pas de parade, pas de cérémonie officielle de capitulation, pas d’occupation du territoire ennemi après qu’il eut jeté les armes.
Le problème persiste, on ne sait toujours pas à quoi ressemblera la victoire en Afghanistan. Et lorsque j’entends qu’il faut «être patient», qu’il faudra «des générations pour ramener le calme» et que, parallèlement, on se prépare à laisser les mains libres aux généraux pour gérer ce merdier, je comprends que, d’une bataille à l’autre, d’un attentat à l’autre, ces lointaines contrées vont continuer d’empiler les années de misère.