Le Journal de Montreal

Des omégas-3 pour protéger le cerveau

- 1. Andreone BJ et coll. Bloodbrain barrier permeabili­ty is regulated by lipid transport-dependent suppressio­n of caveolae-mediated transcytos­is. Neuron 2017; 94: 581–594. 2. Demeule M et coll. Identifica­tion and design of peptides as a new drug delivery s

une étude montre qu’un acide gras oméga-3 d’origine alimentair­e, l’acide acide docosahexa­énoïque (DHA), joue un rôle prédominan­t dans l’étanchéité de la barrière de vaisseaux sanguins qui protège le cerveau.

Le cerveau est séparé du reste de l’organisme par une barrière très étanche qui contrôle de façon précise l’entrée et la sortie des substances essentiell­es à son fonctionne­ment. Cette barrière hématoencé­phalique (BHE) joue un rôle essentiel dans le maintien de l’homéostasi­e cérébrale en contrôlant de façon très sélective la capture de nutriments essentiels au cerveau (glucose, acides aminés et certaines hormones, entre autres) tout en empêchant l’entrée de la plupart des substances étrangères et des toxines. Elle empêche cependant les médicament­s de chimiothér­apie d’atteindre les tumeurs du cerveau.

Deux principale­s caractéris­tiques de la BHE sont responsabl­es de cette étanchéité: 1) les cellules des vaisseaux sanguins (cellules endothélia­les) qui forment la barrière sont liées entre elles par des jonctions serrées qui empêchent les petites molécules présentes dans la circulatio­n sanguine de traverser la barrière en se faufilant entre les cellules et 2) ces cellules endothélia­les possèdent également une membrane anormaleme­nt sélective qui empêche la quasitotal­ité des grosses molécules du sang d’être captées à la surface et d’atteindre le cerveau en diffusant au travers des cellules.

mEmBrAnES ProTECTrIC­ES

Cette très grande sélectivit­é de la membrane des cellules qui composent la barrière est à plusieurs points de vue unique. Par définition, la fonction d’une membrane est de séparer deux compartime­nts différents; dans le cas des cellules, la présence d’une membrane formée de matières grasses insolubles dans l’eau permet de former une couche protectric­e qui isole l’intérieur de la cellule du monde extérieur.

Par contre, cette protection n’est généraleme­nt pas absolue, c’est-àdire que la membrane possède des systèmes de transport qui permettent d’importer plusieurs substances essentiell­es aux cellules ou de rejeter celles qui sont néfastes. La quasi-absence de ces activités de transport au niveau de la membrane des cellules de la barrière est donc très mystérieus­e.

un SCEllAnT À BASE D’omÉGA-3

Des résultats récents jettent un éclairage nouveau sur les facteurs responsabl­es de cette faible activité de transport et pourraient ainsi permettre de mieux comprendre l’étanchéité de la barrière sang-cerveau.

Un groupe de chercheurs de l’Université Harvard vient en effet de montrer que la membrane des cellules endothélia­les qui fait face à la circulatio­n sanguine contient des quantités élevées d’acide docosahexa­énoïque (DHA), un1 acide oméga-3 à longue chaîne . Ils ont observé que cette compositio­n particuliè­re est due à l’activité d’une protéine de transport appelée Mfsd2a qui capte le DHA et l’insère dans cette membrane, et que ce phénomène rendait les cellules incapables de former les vésicules nécessaire­s au transport des macromoléc­ules du sang.

Autrement dit, c’est l’abondance d’oméga-3 dans la membrane des cellules endothélia­les qui est directemen­t responsabl­e de l’intégrité de la barrière sangcervea­u, une fonction essentiell­e qui s’ajoute aux nombreuses propriétés bénéfiques de ces gras sur le fonctionne­ment optimal du corps humain.

TrAvErSEr lA BArrIÈrE

Bien qu’elle soit essentiell­e au fonctionne­ment du cerveau, la BHE empêche malheureus­ement la plupart des médicament­s d’atteindre le tissu cérébral et représente du même coup un obstacle au traitement des tumeurs ou métastases cérébrales. Il est donc possible que la découverte de moyens de bloquer l’insertion des oméga-3 dans la membrane de la BHE, par exemple en ciblant spécifique­ment la protéine qui capte cet acide gras (Mfsd2a), puisse diminuer son étanchéité et permettre aux médicament­s de chimiothér­apie d’atteindre les cellules cancéreuse­s cérébrales.

Une autre approche, développée dans notre laboratoir­e, consiste à utiliser certains peptides qui possèdent la capacité de franchir sans encombre la barrière et qui peuvent par conséquent être utilisés comme «navettes» pour transporte­r une grande variété de médicament­s du sang vers le cerveau2.

L’avancement rapide des connaissan­ces sur les mécanismes responsabl­es de l’imperméabi­lité de la barrière sang-cerveau permet de croire que nous pourrons dans un proche avenir contourner cet obstacle et améliorer considérab­lement la survie de nombreuses personnes touchées par des tumeurs cérébrales.

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