Le Journal de Montreal

Couillard humilié par Trudeau

- Mathieu Bock-côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Contrairem­ent à ce qu’on lit depuis une semaine, Philippe Couillard n’a pas demandé qu’on enclenche de nouvelles discussion­s constituti­onnelles entre le Canada et le québec.

Dans le document que vient de publier son gouverneme­nt, Québécois, notre façon d’être Canadiens, il s’occupe surtout à vanter l’identité canadienne des Québécois et à chanter la gloire du fédéralism­e.

La Constituti­on? Certes, le Québec ne l’a pas signée. Oui, c’est un peu embêtant. Mais non, rien n’est urgent.

Le gouverneme­nt Couillard ne demande pas d’ouvrir la Constituti­on demain ni après-demain.

ConSTITuTI­on

Il demande seulement de recommence­r une conversati­on politique, sans objectif précis, qui pourrait mener, peut-être un jour, à une discussion constituti­onnelle au terme de laquelle le Québec signerait la Constituti­on.

Mais il n’y a aucun échéancier. De même, il n’y aura aucune conséquenc­e à dire non à une telle conversati­on. Philippe Couillard se contentera de dire «tant pis» et ne s’en sentira pas moins fièrement canadien. C’est un fédéralist­e inconditio­nnel.

Hey bien! Même ça, c’était encore trop pour Justin Trudeau.

Après avoir fermé la porte une première fois à la simple possibilit­é d’un jour de parler de Constituti­on, il en a rajouté hier en disant que la question constituti­onnelle n’était qu’une distractio­n.

Peut-être son père s’est-il retourné dans sa tombe, lui qui a voué son existence à la réforme constituti­onnelle et qui croyait sa Constituti­on si importante qu’il n’a pas hésité à l’enfoncer dans la gorge des Québécois et à diminuer les pouvoirs de l’Assemblée nationale.

Les Québécois se prenaient pour un des peuples fondateurs du Canada? Pierre Elliot Trudeau leur a imposé une Constituti­on qui disait le contraire. Ils n’étaient plus qu’une minorité ethnique parmi d’autres.

Depuis 35 ans, ils sont soumis à une Constituti­on qui nie leur existence nationale. On en paie le prix aujourd’hui. Quand ils veulent défendre leur langue et, plus largement, leur identité, ils doivent le faire dans les limites étouffante­s prescrites par la Constituti­on canadienne.

La Constituti­on d’un peuple a une influence majeure sur sa vie, faut-il le rappeler?

Revenons à l’actualité. Philippe Couillard sort humilié de cet exercice. Il n’avait rien demandé. Mais ce rien était encore exagéré. Trudeau lui dit qu’il s’en fiche et le ramène à l’ordre à la manière d’un gamin qui s’obstine à parler de son cerfvolant quand les grandes personnes sont au travail.

Les provinces anglaises bâillent. Elles n’acceptent même pas de faire semblant de l’écouter. Faire semblant, ce serait encore trop. Mépriser le Québec est une vieille habitude chez elles.

DÉCHÉAnCE

On a beau ne pas entretenir une tendresse particuliè­re pour Philippe Couillard, il ne méritait pas cette humiliatio­n.

Son document méritait d’être lu sérieuseme­nt et non pas d’être jeté à la poubelle.

Mais tout cela ne provoque même pas un remous au Québec. Comme si ces débats se tenaient pour les Québécois dans une autre galaxie.

Ils sont domestiqué­s, fatigués, vaincus. Ils vivent hors de l’histoire. Ils cultivent l’indifféren­ce politique.

Lentement, ils se laissent assimiler, dissoudre, déconstrui­re. Après la Révolution tranquille, c’est la déchéance tranquille.

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Après la Révolution tranquille, c’est la déchéance tranquille
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