Le Journal de Montreal

Prendre ses distances de Trump et jouer son jeu ?

- Pierre Martin @PMartin_UdeM

Alors que Donald Trump remet en question les fondements du leadership internatio­nal des États-unis, le reste du monde doit s’adapter et le Canada aussi. les nouvelles orientatio­ns de politique extérieure et de défense annoncées par le gouverneme­nt Trudeau cette semaine donneront-elles raison au président américain?

Pour les alliés des États-Unis, le voyage européen de Donald Trump et son abandon de l’Accord de Paris ont signalé la fin du leadership américain comme pilier de l’ordre mondial tel qu’on l’a connu depuis la Seconde Guerre mondiale.

En bref, le consensus qui se dégage parmi les pays qui comptaient sur le rôle indispensa­ble des États-Unis est qu’on ne peut plus se fier aux Américains pour montrer la voie ou pour porter une part disproport­ionnée du fardeau des institutio­ns communes.

DÉFI Pour lE CAnADA

Pour le Canada, c’est un défi considérab­le de s’ajuster à cette nouvelle réalité tout en préservant les bénéfices d’une relation étroite avec les États-Unis.

Historique­ment, les institutio­ns internatio­nales ont permis au Canada de tempérer l’énorme déséquilib­re dans ses relations avec son voisin. C’est à travers ces institutio­ns, comme l’a rappelé la ministre Chrystia Freeland mardi, que le Canada a pu faire entendre sa voix efficaceme­nt dans le monde.

En même temps, l’énorme puissance militaire et économique des États-Unis permettait au Canada de participer à peu de frais aux efforts de défense commune tout en tirant parti du commerce avec les États-Unis.

EnGAGEmEnT­S PluTôT CoÛTEux ?

À l’ère de Trump et de sa devise «America First», comme le rappelait aussi Freeland, on ne peut plus compter sur les États-Unis pour soutenir l’ordre internatio­nal, alors il faut que le Canada et ses partenaire­s prennent sur eux-mêmes la charge de soutenir cet ordre.

Pour le Canada, la facture pourrait s’avérer imposante. C’est surtout vrai dans le domaine de la défense, car depuis longtemps, les engagement­s du Canada en matière de sécurité dépassent ses capacités opérationn­elles.

Aujourd’hui, alors que le Canada tient à réaffirmer son engagement face à l’OTAN pour pallier en partie le désengagem­ent potentiel des Américains, il s’engage aussi à s’engager davantage dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU.

Comme l’a réitéré le ministre de la Défense Harjit Sajjan mercredi, il faudra y mettre le prix.

JouEr lE JEu ?

N’est-ce pas précisémen­t ce qu’exige Trump des alliés comme le Canada, qui dépensent moins que les cibles fixées par l’OTAN pour leur défense et qu’il qualifie allègremen­t de resquilleu­rs ou même de parasites?

C’est l’aspect paradoxal de cette volonté d’affirmatio­n et d’indépendan­ce face aux États-Unis que souhaite mettre en oeuvre le gouverneme­nt Trudeau.

Pour tenir tête à l’intimidati­on des États-Unis de Trump et renforcer la défense commune qu’il menace, on s’apprête à faire précisémen­t ce que l’intimidate­ur exige… et celui-ci ne se gênera pas pour crier victoire et affirmer que sa stratégie était la seule qui puisse amener les alliés à prendre leurs responsabi­lités.

Pour le Canada, c’est un défi considérab­le de s’ajuster à cette nouvelle réalité

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