Des journalistes espionnés pour rien
Les registres téléphoniques de six journalistes réclamés par la Sq ne prouvaient rien selon un ex-enquêteur
les enquêteurs de la Sûreté du québec ont conclu que, même s’ils savaient quels policiers avaient parlé aux journalistes, rien ne prouvait qu’ils avaient divulgué des informations confidentielles.
Toutefois, ce n’est qu’après avoir obtenu les registres des appels entrants et sortants de six journalistes sur plusieurs années que les policiers en sont venus à cette conclusion, a déclaré hier l’ex-enquêteur Marcel Lagacé, qui témoignait devant la Commission Chamberland sur la protection des sources journalistiques.
«C’est à partir de ce moment qu’on s’est dit: “Ça donne quoi d’aller de l’avant là-dedans, on n’arrivera jamais à aucune accusation”. C’est pour ça qu’on a mis ça sur la glace, a-t-il affirmé.
PAS DE PREUVE
«Même si on pouvait établir un lien entre une personne et un journaliste, ça ne veut pas nécessairement dire qu’elle lui a transmis de l’information», a-t-il poursuivi.
Les journalistes épiés en vertu d’autorisations judiciaires étaient Alain Gravel, Marie-Maude Denis et Isabelle Richer, de Radio-Canada, Denis Lessard et André Cédilot, de La Presse, et Éric Thibault, du Journal.
Les enquêteurs de la SQ cherchaient à trouver quelles sources avaient refilé aux journalistes des transcriptions de l’écoute électronique dont avait fait l’objet l’ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, dans le cadre du projet Diligence.
Ces enregistrements avaient fait l’objet de plusieurs fuites dans les médias en 2013, notamment lors d’une entrevue à la radio avec Paul Arcand, ce qui avait poussé le patron de l’époque à la SQ à demander à la Direction des normes professionnelles d’y faire la lumière.
Mais l’enquête sur ces fuites a finalement été suspendue en 2015, soit deux ans plus tard.
«Il y avait tellement de possibilités. Il y avait pas mal de monde qui avait eu accès à ça», a admis M. Lagacé, étant donné que des documents du projet Diligence avaient aussi été remis à la Commission Charbonneau à l’époque, augmentant ainsi le nombre de sources possibles.
COMME LE CRIME ORGANISÉ
Marcel Lagacé, aujourd’hui à la retraite, a aussi indiqué devant la Commission qu’aucune mesure spéciale n’était prise pour épier les journalistes, expliquant que les enquêteurs ont mené l’enquête de la même manière qu’ils le feraient pour le crime organisé, par exemple.
«C’était le même genre d’enquête qu’on faisait, avec des moyens semblables», a soutenu l’ex-enquêteur.
La Commission Chamberland a aussi entendu le témoignage de l’enquêteur Patrick Duclos, hier, mais celui-ci est frappé d’une ordonnance de non-publication.