Le Journal de Montreal

Quand ramener Lesage rappelle Charest

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

rebaptiser «Jeanlesage» l’édifice du siège social d’Hydroquébe­c à montréal semble aller de soi. C’est ce qu’ont annoncé solennelle­ment hier Philippe Couillard et son ministre des ressources naturelles, Pierre Arcand.

Mais pourquoi maintenant?

À l’orée d’une année 20172018 pré-électorale, Philippe-Couillard s’inspirerai­t-il de bonnes vieilles stratégies de Jean Charest? Ce ne serait pas surprenant, étant donné le nombre de personnage­s issus de cette époque dans ses rangs.

ROMPRE OU CÉLÉBRER?

À son arrivée en politique québécoise, l’ex-chef conservate­ur Charest était une sorte d’étranger non seulement à la politique québécoise, mais aussi à la tradition libérale.

Aiguillonn­é par l’Action démocratiq­ue, qui critiquait le modèle québécois, Charest n’hésite pas à promettre de «réinventer le Québec» (rien de moins!). Entre autres en repensant l’héritage de la Révolution tranquille; s’il faut en rompant avec cette dernière, en «pass[ant] à autre chose». L’État qu’elle nous a donné étant trop gros, arguait-il.

Mais au fil des ans, des difficulté­s, notamment le gouverneme­nt minoritair­e de 2007, fait en sorte que le discours de Charest change. Le souvenir de Jean Lesage, entre autres, est évoqué plus souvent que jamais dans ses discours. Charest en vient même à célébrer la Révolution tranquille… la même dont il souhaitait libérer le Québec en 1998!

En 2010, il lance l’année de commémorat­ion des 50ans de la révolution. Le 22juin, jour du jubilé de l’élection de Lesage, Charest se rend personnell­ement sur la CôteNord pour rebaptiser deux barrages emblématiq­ues de cette époque, Manic 2 et Manic 3, respective­ment du nom de Lesage et de Lévesque. À l’époque, chaque conseil général ou congrès du PLQ s’ouvre sur des vidéos souvenirs où Lesage est une sorte de référence obligée.

SINCÉRITÉ ET STRATÉGIE

Dans toute commémorat­ion historique organisée par tout gouverneme­nt, on doit déceler un mélange de sincérité et de stratégie. On ne peut nier que Jean Charest fût sincèremen­t fier de l’héritage du PLQ. J’ai conservé un calendrier 20082009 soulignant les 10 ans de sa chefferie. Il s’intitule «Des gestes marquants depuis 140 ans»,

Référer constammen­t à ce passé (en gommant les aspects moins glorieux: on ne parle jamais de l’ère Taschereau dans ces documents…) fut pour Jean Charest une tentative de se québéciser aux yeux de ceux qui ne voyaient en lui qu’un «fédéral» vivant au Québec, un mauvais greffon conservate­ur.

D'une manière similaire, l’actuel gouverneme­nt Couillard, qui peine à séduire le vote francophon­e, se réfère à l’histoire — voire l'instrument­alise — pour mieux prendre position dans le présent. (Rappelons que Lesage a longtemps été réticent quant à la nationalis­ation de l’électricit­é.)

La manoeuvre affleure dans le document dit constituti­onnel Québécois notre façon d’être canadien. Elle est évidente lorsque le gouverneme­nt agite comme lundi le mythe fondateur de la Révolution tranquille dans le hall du siège social d’Hydro-Québec... boulevard René-Lévesque.

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