Enquête suspendue pour protéger l’image de la SQ
Un policier qui parle 55 fois à un journaliste ne coule pas nécessairement de l’info
l’enquête criminelle de la Sûreté du québec sur six journalistes a été suspendue en partie pour protéger l’image du corps policier, qui aurait pu mal paraître s’il avait eu à révéler ses sources.
«Il n’était pas question d’envoyer mes enquêteurs à l’abattoir […] Les impacts étaient trop grands pour le peu de chances de succès», a témoigné l’inspecteur-chef Mario Smith, hier, devant la commission Chamberland sur la protection des sources journalistiques.
En 2014, la SQ avait obtenu par autorisations judiciaires les registres des appels entrants et sortants des journalistes Alain Gravel, Marie-Maude Denis et Isabelle Richer, de Radio-Canada, ceux de Denis Lessard et André Cédilot, de La Presse, et ceux d’Éric Thibault, du Journal.
Une fois les registres passés au peigne fin, l’enquête était rendue à l’étape de rencontrer les six journalistes ciblés par les enquêteurs après les fuites survenues dans les médias en septembre 2013 au sujet de l’écoute électronique dont avait fait l’objet l’ex-président de la FTQ, Michel Arsenault.
«CIRQUE MÉDIATIQUE»
Mais la rencontre de deux policiers de la SQ avec le journaliste Patrick Lagacé, dans une autre enquête en octobre 2014, avait déjà soulevé un tollé qui avait duré plusieurs semaines. Mario Smith craignait donc qu’aller de l’avant ne cause un autre «cirque médiatique» embarrassant pour la police.
Les policiers avaient rencontré le journaliste à l’époque pour connaître le nom de sa source policière.
«C'était pour la forme, la stratégie. Je ne m'attendais pas à ce qu'il nous donne sa source», a souligné l’inspecteur-chef.
À l’instar de l’enquêteur Marcel Lagacé, la semaine dernière, dont il était le supérieur, M. Smith a aussi conclu que les registres téléphoniques ne suffisaient pas pour accuser un policier d’avoir coulé des informations aux journalistes.
«Même si on voyait qu’un policier avait parlé 55fois à un journaliste […] ça ne veut pas dire qu’[il avait] brisé [son] serment de discrétion», reconnaît l’inspecteur-chef.
PAS IMPRUDENTS
Il ajoute que les deux policiers identifiés par la SQ, qui avaient de nombreux contacts avec deux journalistes en particulier, avaient une grande expérience d’enquête avec le crime organisé.
Selon lui, ils n’auraient jamais été assez imprudents pour utiliser leurs téléphones personnels ou professionnels pour transmettre des documents confidentiels à des journalistes.
Toutefois, ce n’est qu’après avoir réclamé et obtenu les registres, sur des périodes de plusieurs années, que M. Smith en est venu à cette conclusion.
«Je n’y ai pas pensé avant», a-t-il dit.