Le Journal de Montreal

Les vieux veulent se voir à la télé

- Guy Fournier guy.fournier @quebecorme­dia.com

Si j’en crois la comédienne louise Bombardier, le prof de l’uqAm Pierre Barrette et les courriels que je reçois de plusieurs lecteurs d’un certain âge, les «vieux» ne se reconnaiss­ent plus à la télé. Ils ne voient plus de gens de leur âge à l’écran et ça les rend de mauvaise humeur.

Selon les chiffres publiés dans notre édition d’hier, plus des deux tiers des rôles principaux de nos téléromans sont tenus par des acteurs et des actrices de 26 à 45 ans. Quand il y a des vieux, c’est comme figurants ou seulement pour une réplique ou deux.

Il n’y a que Sophie Lorain, 55 ans, et Guylaine Tremblay, 59 ans, qui sont les vedettes d’Au secours de Béatrice à TVA et d’Unité 9 à Radio-Canada. Peutêtre ont-elles obtenu leur rôle parce qu’on ne leur donne pas leur âge? Même moi, qui les connais bien, j’ai été surpris de l’apprendre. Je les croyais dans la quarantain­e.

Les téléromans ne sont pas seuls à bouder les vieux. Salvail, Wauthier, Lagacé, Pénélope McQuade et leurs pareils invitent rarement des gens plus âgés qu’eux. Ils réunissent d’ailleurs toujours les mêmes personnes. Je les soupçonne d’inviter des plus jeunes qu’eux pour faire croire qu’ils ne vieillisse­nt pas. Si, d’occasion, ils font venir Janette ou Denise (pas la nôtre, mais la Filiatraul­t), c’est pour les exhiber comme on exhibait autrefois un Noir ou un francophon­e de service.

lA TÉlÉ AmÉrICAInE

La télévision américaine a été l’une des rares à ménager longtemps une place enviable aux personnes âgées. Certains animateurs comme Ed Sullivan, Johnny Carson ou Larry King sont même restés en fonction jusqu’à un âge plus que vénérable. The Golden Girls, la sitcom qui a raflé tous les prix Emmy et Golden Globe, a fait les beaux jours de NBC durant sept ans. Contrairem­ent à notre Shirley Théroux, Tony Bennett, Charles Aznavour ou Engelbert Humperdinc­k continuent de pousser leurs refrains aux quatre coins du monde.

Depuis quelques années, la télé américaine est plus encline à pousser ses vieilles vedettes vers la sortie. Les animateurs de talk-shows de fin de soirée se succèdent sans qu’aucun n’obtienne la notoriété de David Letterman ou de Johnny Carson.

quI EST À BlÂmEr?

Faut-il blâmer les vieux qui se ghettoïsen­t eux-mêmes et bâtissent des clôtures pour se protéger des ados qui les effraient avec leur musique tonitruant­e, leurs jeux vidéos et leurs tatouages? Ou blâmer les diffuseurs, convaincus que seuls les 18-40 ans ont assez d’argent pour se payer les produits qu’ils annoncent à plein écran? Peut-être faut-il s’en prendre aux auteurs qui n’écrivent plus de rôles pour Louise Bombardier?

La vérité, c’est que notre télévision a changé du tout au tout. Il n’y a pas si longtemps, nos dramatique­s se passaient dans la cuisine, le salon et la chambre à coucher. On ne sortait pas des studios et, si on le faisait, c’était pour montrer une rue (toujours la même), la carriole du gros docteur en route pour Sainte-Adèle ou Rose-Anna qui étendait son linge sur la corde.

Dans le temps, on écrivait des histoires de famille, aujourd’hui, on écrit des histoires de police, de prison et de palais de justice, de médecins et d’avocats, d’école et d’hôpital, si bien que les rôles de mémères et de pépères sont rarissimes.

TÉlÉPEnSÉE Du Jour

Tous les vieux que je connais sont plus jeunes que moi!

Les téléromans ne sont pas seuls à bouder les vieux

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