Le Journal de Montreal

Montréal donnerait trop de tickets à ses itinérants

Un organisme demande à la Ville d’abroger des règlements discrimina­toires

- BENOÎT PHILIE

Montréal doit arrêter d’endetter ses itinérants en leur donnant des tickets à la chaîne qu’ils ne pourront jamais payer et qui les empêchent de sortir de la rue, demande un organisme dans un mémoire qui sera déposé cette semaine.

«On surcharge le système judiciaire, ça coûte cher à la société et c’est un fardeau qui freine la réinsertio­n et l’améliorati­on des conditions de vie des itinérants», lance d’emblée Élise Solomon, du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérante­s de Montréal (RAPSIM).

Selon une étude de l’Université de Montréal publiée en 2012, le nombre de contravent­ions données à des sans-abri dans la métropole québécoise a dramatique­ment bondi de 1994 à 2010, principale­ment dans le métro.

Et la situation ne s’est pas améliorée, estime le RAPSIM, qui présentera un mémoire sur la question mercredi lors d’une consultati­on publique sur le profilage racial et social à Montréal.

Les proches d’un itinérant d’une cinquantai­ne d’années qui a accumulé près de 40 000 $ en amendes impayées depuis 20 ans à Montréal sont aussi d’avis que les autorités n’aident pas du tout le sans-abri à sortir de la rue en le bombardant de tickets.

«On donne des contravent­ions de 77 $, 100 $, en rafale, à des personnes pauvres. C’est ridicule! C’est une montagne insurmonta­ble pour eux et ça ne donne rien», déplore Isabelle Dicaire, criminolog­ue et intervenan­te sociale.

Son ami, dont elle préfère taire le nom parce qu’il est trop vulnérable, a passé une vingtaine d’années sans domicile fixe. Il est récemment parvenu à s’en sortir pendant 18 mois, mais ses problèmes de consommati­on l’ont graduellem­ent ramené à la rue cette année, dit-elle.

DISCRIMINA­TOIRE

Celui-ci a d’ailleurs reçu une vingtaine de contravent­ions au cours des quatre derniers mois seulement, pour des infraction­s comme «avoir crié», «s’être assis par terre», ou «avoir été trouvé gisant, flânant ivre ou drogué sur la voie publique», raconte Mme Dicaire.

Le RAPSIM souhaite que Montréal supprime les règlements discrimina­toires à l’endroit des itinérants, comme l’interdicti­on de dormir sur un banc public ou d’être pieds nus dans le métro.

«On sanctionne par le pénal des comporteme­nts qui peuvent être dérangeant­s pour monsieur madame Tout-le-monde, mais qui ne sont pas des crimes et qui sont directemen­t reliés au fait que ces personnes-là n’ont pas d’autres recours que de vivre dans l’espace public», déplore l’organisatr­ice communauta­ire, Élise Solomon.

EFFORT DES AUTORITÉS

Le RAPSIM demande aussi à ce que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) adopte un nouveau plan de lutte au profilage racial et social qui inclurait une stratégie pour réduire le recours aux constats d’infraction­s envers les sans-abri.

L’Équipe d’interventi­on mobile du SPVM et le plan d’action en itinérance 2014-2017 de la Ville sont toutefois salués par l’organisme.

La Société de transport de Montréal (STM) indique de son côté que ses agents ne font pas de ségrégatio­n sociale et appliquent les mêmes règles pour tous. «C’est une question de sécurité. La présence des itinérants est tolérée dans la mesure où ils respectent les règles», explique la porte-parole Isabelle-Alice Tremblay.

Le SPVM n’a pas été en mesure de répondre aux questions du Journal hier.

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PHOTO BENOÎT PHILIE L’organisatr­ice communauta­ire au Réseau d'aide aux personnes seules et itinérante­s de Montréal, Élise Solomon, présentera un mémoire sur le profilage social des sans-abri lors d’une consultati­on publique sur le sujet prévue à Montréal mercredi.

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