Le Journal de Montreal

Deux profs dans une classe

Elles ont fusionné leurs groupes, adoptant une approche qui pourrait faire des petits au Québec

- Dominique Scali DScaliJDM

Dans la classe de 5e année de l’école Le Sablier, les élèves peuvent choisir de s’asseoir au sol ou à leur pupitre, sur un tabouret ou une chaise berçante. Mais surtout, ils peuvent choisir de poser leurs questions à une enseignant­e plutôt qu’à une autre, voire aux deux.

«Moi, en tout cas, c’est la meilleure classe dans laquelle j’ai été», avoue d’emblée Andy Forget, 11 ans. «Moi aussi», abondent en choeur les six autres élèves qui ont sacrifié leur récréation pour donner leur point de vue au Journal.

Ils font tous partie de la classe de 5e année de Jennifer Clermont et de Josée Trépanier, à l’école Le Sablier de Saint-Amable. Pour la première fois cette année, les deux enseignant­es ont pu fusionner leurs groupes de manière à ne former qu’une seule grande classe. Le Journal a passé une journée dans ce local qui n’a rien à voir avec les salles austères qu’on associe avec l’école du bon vieux temps.

Leur approche repose sur le co-enseigneme­nt, un modèle qui ravit les experts (voir autre texte en page 12). Les classes à deux profs, ou du moins à deux intervenan­ts, pourraient devenir de plus en plus présentes au Québec d’ici cinq ans (voir aussi page 12).

ÉQUIPE DE FEU

«L’an passé, quand elles ont parlé de [fusionner leurs groupes], moi-même je me suis dit : ça va être l’enfer. Mais non! Elles sont tellement bien organisées», remarque Isabelle Dallaire, orthopédag­ogue à l’école Le Sablier.

Mais au-delà de la préparatio­n, la magie de leur duo repose sur leur complicité. «Je ne ferais pas ça avec n’importe qui. Il faut avoir la même vision de l’enseigneme­nt», constate Mme Clermont.

L’une raconte une anecdote, l’autre la taquine. Leurs animations frôlent parfois le tandem humoristiq­ue. Aussi, le co-enseigneme­nt leur permet, par exemple, de faire une simulation de débat et de multiplier les activités dans une même période. Dans une classe normale, si un élève a besoin d’être pris à part, les autres élèves sont laissés à eux-mêmes. «À deux, on n’a plus à imposer cette pause au reste de la classe», explique Mme Clermont.

PAS DE PROF CHOUCHOU

De plus, les élèves ont eux-mêmes confié se sentir mieux soutenus. «Quand je ne comprends pas les explicatio­ns d’une prof, je vais voir l’autre, et après je comprends mieux», dit Anny-Claude Martel, 10 ans. Malgré cela, peu d’élèves semblent complèteme­nt préférer une enseignant­e à l’autre.

«Quand j’ai de la peine, je vais voir Mme Josée, et quand je suis contente, je vais voir Mme Jennifer», indique Joanie Racine, 11 ans. «Hein, non, c’est le contraire», lui répond Félix Larose, 11 ans.

La classe de 5e année de l’école Le Sablier de Saint-Amable compte 36 élèves. Aberration? Débordemen­t? Pas du tout. Les deux professeur­s ont décidé de fusionner leurs groupes afin d’enseigner à deux, un modèle qui pourrait gagner en popularité au Québec. Le Journal a passé une journée dans cette classe qui sort de l’ordinaire.

 ??  ?? «Des fois, Mme Jennifer fait des jokes plates». Voilà l’avertissem­ent qu’a servi un élève dans une lettre adressée à un futur pair de 5e année, écrite dans le cadre d’un travail de français. Josée Trépanier a éclaté de rire quand elle a lu ce passage....
«Des fois, Mme Jennifer fait des jokes plates». Voilà l’avertissem­ent qu’a servi un élève dans une lettre adressée à un futur pair de 5e année, écrite dans le cadre d’un travail de français. Josée Trépanier a éclaté de rire quand elle a lu ce passage....
 ??  ?? «On avait des filles avec des problèmes d’estime. Elles restaient en arrière et ne prenaient pas leur place. On les a séparées des gars, on s’est dit qu’on allait juste essayer. Maintenant quand elles reviennent avec les garçons, elles sont plus...
«On avait des filles avec des problèmes d’estime. Elles restaient en arrière et ne prenaient pas leur place. On les a séparées des gars, on s’est dit qu’on allait juste essayer. Maintenant quand elles reviennent avec les garçons, elles sont plus...
 ??  ?? Le fait de fusionner deux groupes permet de séparer les filles et les garçons pour le cours d’éducation physique. Les élèves ont tout de même des cours mixtes une fois par semaine. «Les filles ont gagné en confiance», remarque la professeur­e...
Le fait de fusionner deux groupes permet de séparer les filles et les garçons pour le cours d’éducation physique. Les élèves ont tout de même des cours mixtes une fois par semaine. «Les filles ont gagné en confiance», remarque la professeur­e...
 ??  ?? Jennifer Clermont discute avec des élèves alors que d’autres vont boire de l’eau. Les deux enseignant­es encouragen­t les jeunes à se confier à elles. «Tout passe par le lien de confiance. Une fois que le lien est établi, tu peux leur faire apprendre...
Jennifer Clermont discute avec des élèves alors que d’autres vont boire de l’eau. Les deux enseignant­es encouragen­t les jeunes à se confier à elles. «Tout passe par le lien de confiance. Une fois que le lien est établi, tu peux leur faire apprendre...
 ?? PHOTOS CHANTAL POIRIER ?? 1. La classe est disposée de façon à ce que les élèves qui souhaitent travailler par terre puissent le faire. 2. Jennifer Clermont répond aux questions d’une élève pendant une période de travail autonome. 3. Ces deux garçons étaient très concentrés sur...
PHOTOS CHANTAL POIRIER 1. La classe est disposée de façon à ce que les élèves qui souhaitent travailler par terre puissent le faire. 2. Jennifer Clermont répond aux questions d’une élève pendant une période de travail autonome. 3. Ces deux garçons étaient très concentrés sur...
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 ??  ?? «J’espère que vous avez appliqué une bonne dose de déodorant», rigole Josée Trépanier avant le début d’une période de 15 minutes de danse aérobique. Cette petite période d’activité physique permet aux élèves d’accumuler des cubes d’énergie du Grand...
«J’espère que vous avez appliqué une bonne dose de déodorant», rigole Josée Trépanier avant le début d’une période de 15 minutes de danse aérobique. Cette petite période d’activité physique permet aux élèves d’accumuler des cubes d’énergie du Grand...
 ??  ?? Ci-contre, deux élèves font un casse-tête pendant une période de détente. Au retour des pauses, les élèves ont une dizaine de minutes où ils peuvent faire l’activité de leur choix, comme lire une bande dessinée ou avancer dans un devoir.
Ci-contre, deux élèves font un casse-tête pendant une période de détente. Au retour des pauses, les élèves ont une dizaine de minutes où ils peuvent faire l’activité de leur choix, comme lire une bande dessinée ou avancer dans un devoir.
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 ??  ?? Une élève travaillan­t sur un ordinateur portable pendant une période de travail autonome. Les élèves peuvent choisir la matière dans laquelle ils veulent avancer pendant ces périodes, pourvu qu’à la fin de la semaine, tous les exercices à faire soient...
Une élève travaillan­t sur un ordinateur portable pendant une période de travail autonome. Les élèves peuvent choisir la matière dans laquelle ils veulent avancer pendant ces périodes, pourvu qu’à la fin de la semaine, tous les exercices à faire soient...

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