Le Journal de Montreal

RICHARD MARTINEAU

Beau parleur, petit faiseur

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Que fait Justin Trudeau pour libérer Raïf Badawi ?

Ça fait cinq ans que le blogueur et défenseur des droits de l’homme Raïf Badawi est incarcéré en Arabie Saoudite… Et que fait Justin Trudeau? Il se déguise, il se costume, il fait du yoga.

Il porte des turbans, des tenues folkloriqu­es, des signes religieux.

Pour montrer à la galerie combien il est ouvert, généreux, bienveilla­nt. So 2017.

LES TROIS TÉNORS

Il multiplie les belles paroles, les phrases creuses, les formules toutes faites.

Il parle comme les messages qu’on trouve dans les biscuits chinois et les cartes de souhaits.

En 2013, sur Twitter, Justin Kumbaya pourfendai­t Stephen Harper pour son inaction dans le dossier de Raïf Badawi.

«It’s time to act», écrivait-il.

Quatre ans plus tard, qu’avez-vous fait, monsieur Trudeau, à part vous prendre en selfie?

Ah, c’est vrai: vous avez vendu des blindés au gouverneme­nt qui a condamné Raïf Badawi à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet.

Continuez de prononcer de beaux discours sur les valeurs canadienne­s, Monsieur le premier Ministre.

Vous devriez partir en tournée avec Michaëlle Jean et Barack Obama.

Les Trois Ténors de la compassion qui n’engage à rien.

Les Trois Colombes du bon sentiment, de la mièvrerie, de la posture humanitair­e, des discours larmoyants et de la politique spectacle. Tenons-nous la main et chantons

Imagine, allumons une chandelle, publions de beaux messages sur Facebook, payons 1000 $ pour entendre un multimilli­onnaire nous parler de la lutte à la pauvreté.

Mangeons des petits fours en pleurant sur le sort des réfugiés dans un appartemen­t de fonction donnant sur la tour Eiffel.

Portons notre générosité bien en vue, comme une décoration officielle, afin que tous puissent la contempler.

DOUBLURES EN CARTON

Dans notre univers hyper mondialisé où l’argent est virtuel et où les frontières ne sont que des lignes tracées dans le sable, les politicien­s ne servent plus à grand-chose.

Comme un agent de circulatio­n posté au milieu d’une autoroute à 20 voies.

Moins leurs actions ont du poids, plus ils parlent — comme si la force de leurs mots pouvait compenser la faiblesse de leurs actes.

Pas étonnant que le gouverneme­nt fédéral ait dépensé 19 000 $ pour des doublures en carton de Justin Trudeau: la politique, maintenant, est une affaire de look.

Pendant que les Canadiens regardent, émerveillé­s, les dents étincelant­es de leur PM, ils ne voient pas les armes que nous vendons à l’un des plus importants commandita­ires du terrorisme islamiste.

En avant, on pleure sur les pauvres victimes des «tragiques incidents» de Londres, Manchester, Boston, Nice, Paris.

En arrière, on brasse de grosses affaires avec le plus important propagateu­r du wahhabisme, la conception la plus rétrograde et la plus radicale de l’Islam. Mais, bof. Il est tellement beau, Justin! Il est tellement charmant! Il parle tellement bien!

DE KESSÉ ?

«Le gouverneme­nt du Canada continue d’être résolu dans notre désir et notre conviction de continuer le combat contre l’État islamique, a déjà dit Justin Trudeau.

«Mais ce que nous n’allons pas faire, c’est de continuer d’essayer d’en parler, de donner de la publicité gratuite à l’État islamique parce qu’eux on sait qu’ils utilisent la propagande pour se propager.» Whatever…

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