Le Journal de Montreal

Du grand théâtre dans le golfe persique

- RICHARD richard.latendress­e@quebecorme­dia.com LATENDRESS­E

Une crise diplomatiq­ue déchire les Arabes. Une vaste pièce de théâtre régionale avec mise en scène grandiose: on y croise des Américains maladroits, des Saoudiens qui jouent les durs, des Qataris frondeurs, des Iraniens narquois et – ils sont partout ceux-là ces jours-ci – des pirates informatiq­ues russes.

Le Qatar est un minuscule, mais richissime émirat du golfe Persique. Trois fois plus petit que la Gaspésie, il possède les troisièmes plus grandes réserves de gaz naturel et pour quinze milliards de barils en réserves pétrolière­s. Son PIB par habitant – 129 700 $ – en fait le pays le plus riche au monde.

L’opulence donne de l’audace et les Qataris, depuis des années, tombent sur les nerfs des Saoudiens. Ils ont soutenu les Frères musulmans, le Hamas dans les Territoire­s palestinie­ns et les islamistes en Libye. Ils ont ébranlé la région en créant la chaîne d’informatio­n Al Jazeera, un défi direct à l’influence saoudienne dans le monde arabe.

Pire que tout peut-être, le Qatar a fait le choix de la cohabitati­on pacifique avec son voisin d’outre-golfe, l’Iran. Crime de lèse-majesté pour les Saoudiens, obsédés par la concurrenc­e que leur opposent les Iraniens pour le titre de superpuiss­ance régionale.

COUP DE POING SAOUDIEN

De façon coordonnée il y a une dizaine de jours, l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l’Égypte ont rapatrié leurs ambassadeu­rs.

Une série d’autres pays, sous pression saoudienne, ont emboîté le pas. Les Qataris dans certains de ces pays se sont vu montrer la porte, pendant que Qatar Airways se faisait interdire d’immenses espaces aériens dans la région.

L’Arabie saoudite ayant fermé l’unique frontière terrestre du Qatar, l’approvisio­nnement du petit émirat est menacé: environ 40 % de la nourriture traverse ces postes de douane, ainsi que les colossales quantités de matériaux de constructi­on nécessaire­s aux grands projets engrangés, notamment les huit stades promis pour le Mondial de 2022.

Les tensions bouillonna­ient entre l’Arabie saoudite et le Qatar depuis des années, mais plusieurs experts régionaux associent la décision saoudienne de passer à l’action à la récente visite du président américain.

Une visite au cours de laquelle Donald Trump a écarté la politique conciliatr­ice de Barack Obama (ni anti-Iran ni pro-Arabie saoudite) pour un soutien incontesta­ble à Ryad.

TIRADE SUR TWITTER

En fait, le président Trump, à peine la décision des Arabes à l’égard du Qatar annoncée, s’est lancée dans une tirade anti-qatarie sur Twitter: «Bon de voir que la visite en Arabie saoudite rapporte déjà. Ils ont dit qu’ils adopteraie­nt une ligne dure à l’égard du financemen­t du terrorisme et tout pointait vers le Qatar. Ce sera peutêtre le début de la fin de l’horreur du terrorisme!»

Un coup de gueule déconnecté des relations que les États-Unis entretienn­ent avec l’émirat rebelle. 11 000 soldats y sont déployés et la base aérienne d’Al Udeid accueille le commandeme­nt des opérations américaine­s dans toute la région.

C’est de là que sont coordonnés les raids en Afghanista­n, en Irak et en Syrie. De plus, les Qataris viennent d’acheter pour 21 milliards de dollars en armements américains, dont 12 milliards pour 36 avions de combat F-15.

On rapporte que des cyberpirat­es russes ont réussi à publier sur le site de l’agence de presse qatarie de faux propos attribués au cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, des propos flatteurs à l’égard de l’Iran et critiques des États-Unis.

La chicane est prise entre les alliés américains du golfe et un spectateur a le grand’sourire: Vladimir Poutine.

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