Tru deau au ra-t-il le courage de la transparence ?
La commissaire à l'information sonne l'alarme pour cesser la culture du secret
OTTAWA | Le premier ministre Justin Trudeau répète à qui veut l’entendre qu’il dirige le gouvernement le plus «ouvert» et «transparent» de l’histoire politique canadienne. Faux, a conclu la semaine dernière dans son rapport annuel le chien de garde de l’information du Parlement, Suzanne Legault. Dans les faits, l’opacité du fédéral est pire sous les libéraux qu’à la fin du règne des conservateurs de Stephen Harper. Le premier ministre aura-t-il le «courage» de passer de la parole aux actes en matière de transparence en réformant comme promis la très désuète Loi sur l’accès à l’information? Mme Legault se croise les doigts… mais ne retient plus son souffle.
Vous vous êtes dite enthousiaste avec l’arrivée des libéraux, mais aujourd’hui vous êtes extrêmement déçue de leur bilan en matière de transparence. Pourquoi? «Deux événements m’ont déçue. D’abord, le gouvernement a annoncé qu’il n’allait pas aller de l’avant avec la réforme en profondeur de la Loi sur l’accès à l’information. Et aussi, quand on regarde les dossiers que nous avons traités cette année, ce sont les mêmes problèmes qui existent depuis les années 1980. Est-ce que le gouvernement Trudeau manque de courage pour accomplir les réformes qu’il a promises? «C’est extrêmement décevant. C’est un gouvernement qu’on croyait plus jeune, plus progressiste, capable de faire des transformations majeures. Mais on attend encore. Les libéraux répètent qu’ils ont toujours l’intention de faire des réformes. On verra s’ils vont faire preuve de courage. Cela prendra des efforts qui viennent du premier ministre. Sinon, ces intentions ne vont pas se transformer en réalité.» Le gouvernement libéral est-il plus ou moins transparent que l’ancien gouvernement conservateur? Si on regarde les statistiques, les libéraux le sont moins. Si on regarde la façon dont ils transigent avec les journalistes, je pense qu’ils le sont plus. Si on regarde la collaboration avec notre bureau, je dirais qu’ils le sont plus aussi. Par contre, à ce chapitre, on est encore en période de lune de miel. La collaboration avec le précédent gouvernement conservateur en début de mandat était aussi excellente. Donc on peut affirmer que malgré le discours d’ouverture, le gouvernement du Canada est moins transparent sous les libéraux qu’à la fin du mandat des conservateurs? «Selon les données, oui, c’est vrai.» Quel bilan faites-vous de l’ancien gouvernement de Stephen Harper? Alors qu’on aurait dû faire des avancées majeures en matière de transparence, on a eu une régression. Le creux de la vague s’est vraiment fait ressentir durant l’ère conservatrice. Qu’a changé l’arrivée au pouvoir des libéraux? Je pense qu’au niveau des communications, il y a eu une vague de changements avec le gouvernement libéral. Par contre, on voit des institutions majeures qui sont en difficulté pour rencontrer leurs obligations en matière de transparence: la GRC, la Défense nationale, Santé Canada et Affaires mondiales. Ce sont de gros ministères qui traitent des enjeux vraiment importants pour les Canadiens. Le gouvernement Trudeau a repoussé son engagement de réformer la Loi sur l’accès à l’information. Considérez-vous cela comme une promesse brisée? «À ce stade-ci, la promesse n’est certainement pas rencontrée. J’en suis rendu au point que je vais le croire quand je vais le voir.» Pourquoi les citoyens devraient-ils se soucier de la réforme de la Loi sur l’accès à l’information et de la transparence promise par les libéraux? «C’est leur seule façon de tenir leur gouvernement responsable et de savoir s’ils sont d’accord avec ses décisions ou non. C’est essentiellement une question d’imputabilité. Mais aussi, ça permet aux gens de faire un vote éclairé quand vient le temps des élections. Votre mandat devait se terminer à la fin du mois de juin, mais il a été prolongé jusqu’à la fin de l’année. Et Justin Trudeau ne semble pas pressé de nommer votre successeur. Est-ce que cela vous inquiète? «C’est certain que je suis dans une position plus précaire. Au fil du temps, il pourrait se développer une perception que je suis moins solide dans mon poste. Cela est dommageable pour la crédibilité de l’organisation à long terme. C’est ma préoccupation principale.