Le Journal de Montreal

La diplomatie du coin de fauteuil

- RICHARD richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

WASHINGTON | Être accueilli dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche et avoir droit à un tête à tête dans le Saint des Saints de la république américaine, c’est le rêve de la majorité des dirigeants de la planète. Le président ukrainien, Petro Porochenko, s’est drôlement débattu pour son propre sit-in devant la cheminée présidenti­elle sous le portrait de Washington. Hier, c’était son tour. Et il n’a pas raté sa chance.

Pas que le président Trump soit chiche avec ses visiteurs : au dernier décompte, il a reçu, en cinq mois sur Pennsylvan­ie Avenue, une vingtaine de chefs d’État et de gouverneme­nts. Une impression­nante moyenne.

Le président de l’Ukraine voulait faire partie du lot le plus vite possible. Dans une quinzaine de jours, au sommet du G-20 à Hambourg, en Allemagne, Donald Trump doit rencontrer Vladimir Poutine pour la première fois. On ne parlera, à ce moment-là, que de ça.

Porochenko, pour en passer une p’tite vite au président russe et passer son message au président américain, voulait rapidement bloquer son propre rendez-vous à la Maison-Blanche. Il l’a mérité, parce que Donald Trump ne lui a pas facilité la vie.

LES POMPES ET TOUT LE TRALALA

Donald Trump aime bien déployer le faste de la fonction pour impression­ner ses visiteurs

Si Donald Trump – dans son style, son ton et son vocabulair­e – ne se montre pas toujours très présidenti­el, il aime bien, en contrepart­ie, déployer le faste de la fonction pour impression­ner ses visiteurs. L’entrée, d’abord, dans les jardins nord de la Maison-Blanche le long d’une enfilade de militaires en tenue d’apparat portant les étendards de leurs bataillons; puis, l’accueil officiel aux portes de la West Wing, tout juste avant le tête-à-tête dans le Bureau ovale.

Le succès des succès, c’est lorsque le président américain offre à son invité de l’accompagne­r sous la colonnade, les deux marchant, complices, des espaces de travail aux appartemen­ts privés ou vice versa. Le premier ministre Justin Trudeau, par exemple, a eu droit à tout cela.

Petro Porochenko, à la tête de 45 millions d’Ukrainiens et du plus grand pays d’Europe après la Russie, a dû se contenter du strict minimum : une rencontre discrète avec le vice-président, Mike Pence, suivi d’un drop-in – en principe, des salutation­s rapides – dans une réunion du président avec son conseiller à la sécurité nationale, H.R. McMaster.

SAUTER SUR L’OCCASION

C’est à ce moment-là qu’on nous a laissés – nous, les correspond­ants – entrer dans le Bureau ovale. Les deux présidents occupaient chacun leur fauteuil, côte à côte. Donald Trump a évoqué «le grand honneur d’être avec le président Porochenko». «Nous avons eu de très très bonnes discussion­s», a-t-il ajouté, «et je pense que beaucoup de progrès ont été accomplis».

Après un moment de silence, il a demandé à son invité s’il voulait dire quelque chose; il n’a pas eu à insister. Petro Porochenko a évoqué le combat des Ukrainiens pour la liberté et la démocratie «avec votre très solide soutien en matière de sécurité et de défense».

Puis d’ajouter, un peu mielleux, qu’il admirait le leadership de Donald Trump : «Je suis absolument convaincu que nos efforts conjoints apporteron­t la paix à notre pays, en protégeant notre souveraine­té et notre intégrité territoria­le.»

Le président américain, vaguement bouche bée, lui a tendu la main, l’a remercié et répété que «c’est un grand honneur». Et pour Porochenko, c’était mission accomplie : devant les caméras du monde, il a rappelé que l’Ukraine a été agressée par la Russie et continue d’être menacée. Si vous croisez Vladimir Poutine, dites-lui que rien n’est oublié.

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PHOTO AFP Le président américain, Donald Trump, a reçu son homologue ukrainien, Petro Porochenko, hier, à la Maison-Blanche.
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