Le Journal de Montreal

Saint-Jean : on fête quoi ?

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

La Saint-Jean est en train de devenir comme la fête des Mères, la fête des Pères ou la Saint-Valentin.

«Ah, oui, c’est vrai, demain, c’est la fête des Mères. Faut que je passe chez le fleuriste et que j’amène ma mère au restaurant.» Certains le font avec coeur. D’autres – la plupart – se contentent de faire leur devoir.

À la fête des Mères, on amène sa mère au restaurant et on lui offre des fleurs, c’est ce qu’on fait, c’est la tradition.

Une fois n’est pas coutume.

LES BONS PATRIOTES

Alors, comme on sort le sapin, les boules et les décoration­s de leurs boîtes à la fin novembre, on va fouiller dans la commode et on va sortir les accessoire­s habituels nécessaire­s pour célébrer la Saint-Jean.

Le fleur de lys, Gilles Vigneault, Quand les hommes

vivront d’amour, Paul Piché, La danse à Saint-Dilon, la fierté nationale, etc. Comme on sort les lapins à Pâques et les citrouille­s à l’Halloween. Parce que c’est ce qu’on fait le 24 juin. Puis on va tout ranger ça dans deux jours, jusqu’à l’année prochaine. On aura été un bon patriote. Comme on a été un bon fils à la fête des Mères et un bon mari à la Saint-Valentin.

Vous n’avez pas l’impression que c’est rendu ça, la Saint-Jean? Une fête obligatoir­e?

Le jour de l’année où l’on chante nos classiques, pour nous rappeler qui on est?

Une sorte de messe de minuit pour gens qui se foutent de la religion et qui ne mettent jamais les pieds à l’église?

Le jour de l’année où on se dit: «Tiens, Raymond Lévesque est vivant, je pensais qu’il était mort!»

ON CÉLÈBRE QUOI ?

On va chanter des chansons qui ne jouent même plus à la radio…

Parce que, soyons sérieux, si le français nous tenait tant à coeur, on n’aurait pas 53 % d’analphabèt­es fonctionne­ls.

Si notre culture nous intéressai­t tant, nos films d’auteur ne seraient pas projetés dans des salles vides.

Si on aimait tant la chanson d’ici, on n’aurait pas besoin de quotas pour qu’elle joue à la radio au beau milieu de la nuit.

On lirait encore Anne Hébert et Réjean Ducharme, et on enseignera­it Gaston Miron et Saint-Denys Garneau à l’école.

Et on aurait un parti souveraini­ste qui parle de souveraine­té, au lieu de cacher son bleu sous une couche de vert, parce que c’est plus cool… On célèbre quoi, au juste, le 24 juin? Le fait que nous soyons l’une des provinces les plus pauvres au Canada? Le fait que nous soyons les plus taxés et les plus imposés? Le fait qu’il n’y a presque plus d’émissions culturelle­s à notre télé?

Je ne veux pas cracher dans la soupe, mais moi, j’aimerais que nous puissions crier notre fierté du Québec 365 jours par année.

Si tu invites ta blonde au resto seulement à la Saint-Valentin, c’est que ton couple ne va pas super bien…

UN PROJET

On célèbre en grande pompe les 50 ans de l’Expo, cette année.

Dans 50 ans, nos enfants vont célébrer quoi? Quel événement va les avoir marqués? Quel rêve les aurait fait vibrer? Quel projet les aurait amenés à aller un peu plus haut, un peu plus loin?

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