Le Journal de Montreal

Le Québec prépare un plan pour contrer les opioïdes

Police, médecins et organismes communauta­ires élaborent une stratégie globale

- CAMILLE GARNIER

Québec prépare un vaste plan d'action pour faire face à la menace d’une épidémie de surdoses d'opioïdes comme celle qui ravage en ce moment l’ouest du Canada et les États-Unis.

«La crise des opioïdes peut nous frapper très bientôt et la vérité c’est que nous ne sommes absolument pas prêts, avertit Jean-François Mary, directeur de l'Associatio­n québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatri­ces de drogues (AQPSUD). Si demain certains produits disparaiss­aient du marché noir, les utilisateu­rs de drogues québécois pourraient se tourner en masse vers des substances encore plus dangereuse­s comme le Fentanyl.»

Pour prévenir un scénario de ce type, un comité antiopioïd­es composé d'acteurs des services de police, de santé, des douanes, du bureau du coroner et des organismes communauta­ires a été mis en place ces dernières semaines, a appris Le Journal.

LE FENTANYL CIBLÉ

Une première réunion de ce comité réunissant une trentaine de personnes par visioconfé­rence a eu lieu il y a environ un mois, et a été suivie d’une rencontre à Québec deux semaines plus tard.

L’objectif du comité est de créer un plan d’action provincial pour lutter contre l’invasion des opioïdes comme le Fentanyl ou le Carfentani­l, qui font des ravages juste de l'autre côté de la frontière et dans l'ouest du pays.

59 000 DÉCÈS

Selon les derniers chiffres compilés aux États-Unis par le New York Times, plus de 59 000 personnes sont décédées d’une surdose en 2016, soit une hausse d’environ 20 % par rapport à 2015. Les drogues sont maintenant la première cause de mortalité chez les Américains de moins de 50 ans.

«Je pense que l’on peut encore parvenir à éviter qu’une situation de ce genre se produise chez nous si tous les membres de ce comité unissent leurs efforts», estime le Dr Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins du Québec.

D'après nos informatio­ns, un document de travail pour l’établissem­ent d’un protocole d’identifica­tion du Fentanyl a d’ailleurs été envoyé, il y a quelques jours, aux différents acteurs impliqués.

Le comité devrait se pencher dans les prochaines semaines sur des pistes de réflexion comme l’accès en temps réel aux registres des prescripti­ons par l’ordre des médecins afin de pouvoir contrôler les quantités prescrites ou l’autorisati­on de traitement­s de substituti­on intraveine­ux.

Contacté par Le Journal, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a reconnu que le comité s’était réuni à deux reprises en ajoutant qu’il n’accorderai­t pas d’entrevue à ce sujet.

UNE CRISE INÉVITABLE

Pour certains acteurs du monde communauta­ire, ce comité consultati­f ne correspond cependant pas au degré d’urgence dans lequel se trouve le Québec.

«Pendant qu’on discute dans des bureaux, des gens meurent dans la rue, lance Yves Séguin, le directeur général du Centre d'interventi­on et de prévention en toxicomani­e dans la région de l'Outaouais. Mon avis, c’est qu’on s’enfarge dans un plan trop lourd et trop lent.»

Même s’il a accepté de participer aux discussion­s de ce comité, M. Séguin croit que certaines mesures comme l’embauche de travailleu­rs de rue devraient être mises en place sans plus attendre.

«Pour l’instant, on ignore de quel budget nous disposons», regrette pour sa part Jean-François Mary, le directeur de l’AQPSUD, également membre du comité.

«Face à ce genre de problémati­que, il ne sert à rien de discuter si l’on n’a pas de moyens», ajoute-t-il.

 ?? PHOTO AFP, BRENDAN SMIALOWSKI ?? Au cours des 10 dernières années, les opioïdes sont devenus la substance la plus utilisée des drogues par injection.
PHOTO AFP, BRENDAN SMIALOWSKI Au cours des 10 dernières années, les opioïdes sont devenus la substance la plus utilisée des drogues par injection.

Newspapers in French

Newspapers from Canada