L’achat local demeure embryonnaire
Les consommateurs québécois tardent encore à acheter des produits d’ici
Les Québécois ont beau être nationalistes avec leur portefeuille en achetant d’abord des produits fabriqués ici, le chant des sirènes des sites de vente en ligne et les bas prix des marques étrangères leur font parfois vite oublier leurs principes.
«Plus de 68 % des Québécois veulent acheter Québec et local, mais il y a un écart entre l’intention et l’action», résume Jean-Marc Léger, président-fondateur de Léger.
Selon lui, les consommateurs savent qu’il est mieux d’encourager les compagnies de chez nous pour garder les emplois ici. Ils sont aussi généralement très satisfaits de leur qualité. Mais ne leur demandez pas de payer 5 % de plus pour un item confectionné au Québec.
L’attrait des biens «Fait au Québec» disparaît une fois en ligne où les Québécois se tournent de plus en plus pour effectuer leurs emplettes. Plus de 83 % des consommateurs y magasinent désormais, un phénomène qui va de pire en pire, note Jean-Marc Léger.
Non seulement les sites francophones de vente de détail sont en retard sur la concurrence américaine, mais les géants se bombent le torse et consolident en ce moment leur position dominante.
UN MONOPOLE QUI CHOQUE
Ce monopole choque Steve Trinque, l’un des premiers à avoir lancé un site d’achat en ligne de produits québécois. Forcé d’arrêter son projet «Centredachat.ca», après trois ans, il regrette que les commerçants n’aient pas voulu embarquer dans l’aventure en partageant le même sentiment d’urgence que lui.
M. Trinque en veut aussi au gouvernement provincial. «Il faut que Québec se réveille! La ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, m’a dit qu’elle réfléchissait… Or, il est temps d’arrêter de réfléchir, et passer à l’action en aidant les commerçants», s’est-il indigné. Pour lui, les 4,63 millions $ octroyés récemment par Québec pour accompagner les détaillants dans leur virage numérique sont insuffisants. «Pensez-vous qu’avec 3500 $ par détaillant, nos PME vont vraiment pouvoir se faire connaître assez pour rivaliser avec Aliexpress et Amazon?» s’est-il demandé.
Sans parler de l’acquisition récente de Whole Foods par Amazon qui risque de rendre encore plus attirante l’offre américaine en ligne, craint Jean-Marc Léger. «On va bientôt acheter ses légumes sur Amazon, imaginez-vous!» a-t-il remarqué.
Dans ce contexte, de nouveaux joueurs tentent quand même l’aventure. C’est le cas de Signé Local, une plateforme consacrée aux produits conçus, fabriqués et emballés au Québec.
Éveline Lanctôt, responsable des communications, sent un engouement des clients, tout en admettant que les prix plus élevés refroidissent souvent les ardeurs des consommateurs. «Pensez à la veilleuse pour enfant de Veille sur toi vendue 40 $. Les gens trouvaient ça trop cher, et ils ont choisi d’acheter la copie chinoise à 2 $ au magasin de 1 $», a-t-elle dit.
EN QUÊTE DE REPÈRES
Francine Rodier, professeure et chercheuse à l’Observatoire en consommation responsable ESG UQAM, pense que le consommateur a besoin de repères et d’organismes capables d’étiqueter de façon neutre la provenance et la fabrication des produits. Elle cite le cas d’Aliments du Québec qui a fait ses preuves en la matière.
«Il faut également développer une fierté envers nos producteurs, manufacturiers et transformateurs», a-t-elle conclu. Rappelons qu’à ce jour, l’Institut de la statistique du Québec ne détient toujours pas de statistiques en lien avec l’achat des produits québécois.