Le Journal de Montreal

Thomas Mulcair fait le point

Thomas Mulcair dit qu’il quittera la direction du NPD nostalgiqu­e de l’époque des débats brillants

- Boris Proulx @borisproul­x boris.proulx @quebecorme­dia.com 613.380.8205

OTTAWA | Thomas Mulcair avoue s’ennuyer à la Chambre des communes depuis l’élection de Justin Trudeau. Le débatteur aguerri menait autrefois des échanges intelligen­ts avec l’ancien premier ministre Stephen Harper. Aujourd’hui, Justin Trudeau ne lui sert que des réponses creuses durant la période de questions, déplore-t-il. En cette fin de session parlementa­ire qui marque aussi le dernier grand tour de piste de M. Mulcair en tant que chef de parti, il confie songer à tourner la page sur ses quelque 23 ans de débats dans l’un ou l’autre des parlements de Québec et d’Ottawa. S’il revient au moins pour quelques semaines à l’automne en attendant l’élection de son successeur, rien n’est sûr pour la suite. Déjà, des cabinets d’avocats et trois université­s le courtisent, au cas où il déciderait de quitter la vie politique pour de bon.

Qu’est-ce qui a changé depuis que vous êtes arrivé à Ottawa, sous M. Harper ?

Je m’ennuie de quelqu’un qui répond aux questions. M. Trudeau dit qu’il va être présent en chambre, mais c’est une litanie de platitudes, de phrases creuses et de lieux communs. C’est une machine à produire des phrases creuses, Justin Trudeau. Il ne répond jamais à la question posée. Il prépare quelque chose et il le lit. Ce n’est plus une période de questions, c’est une période de lecture du premier ministre! Regardez la période de questions de mercredi dernier, lorsqu’il s’est levé pour toutes les questions, il a lu des bouts de papiers préparés par son personnel. Je ne vois pas à quoi ça sert, s’il n’est pas capable sur le fond. [Stephen] Harper ne se gênait pas, jamais! Il me tenait tête. Il y avait des journées complètes où nous avions des échanges épiques. Il n’esquivait pas les questions, même si nous n’étions pas d’accord sur la plupart des dossiers.

Les intérêts des Québécois ne sont-ils pas mieux pris en compte aujourd’hui ?

M. Trudeau maîtrise les communicat­ions. Je vais toujours reconnaîtr­e qu’en termes d’image, il est extraordin­aire. Mais pour le Québec, notamment, qu’est-ce qu’on gagne avec les libéraux? Prenez un dossier crucial, comme les langues officielle­s. Il a préféré mettre de l’avant une nomination partisane de Madeleine Meilleur plutôt que de prendre au sérieux cette question. Le français est très malmené, ici à Ottawa. Le français est vraiment en train de reculer. Le fait français, à Ottawa, est en train de s’étioler. Depuis les 10 ans que je suis ici, ça se sent, ça se voit. Regardez juste le peu de français dans les réponses à la période de questions chez les libéraux. Avant, il y avait de l’effort pour le français. Aujourd’hui, c’est fini, ils ne font plus l’effort. Croyez-vous que votre parti regrette de vous avoir désavoué comme chef ? Il y a une nuance à faire. Le parti m’a élu comme chef. À Edmonton [lors du vote crève-coeur où 52 % des délégués lui ont montré la porte en avril 2016 NDLR], il y avait des délégués dans une pièce, dont bon nombre avaient leur propre agenda, et je respecte la décision. Mais ce n’était pas la décision de l’ensemble des membres, mais des gens dans cette pièce-là, ce jour-là. C’est une grosse différence. C’est pour ça que je continue comme chef, parce que j’ai été élu par les membres. Resterez-vous à Ottawa même si vous cesserez d’être le chef du NPD ? Je vais être ici jusqu’à ce qu’il y ait un nouveau chef du NPD [en octobre], après ça, je garde toutes mes options ouvertes. Je ne suis pas sûr combien de temps je vais rester [comme simple député]. On va voir ce que je décide de faire après la vie politique. Je suis en discussion­s avec des université­s. C’est un milieu qui m’a toujours beaucoup plu. Une seule chose est sûre: je ne me représente­rai pas en 2019. Qu’est-ce qui vous ferait rester comme simple député ? Quand on est élu, ce n’est pas en tant que chef, mais comme député pour représente­r les gens. Et j’aime bien cette partie-là qui consiste à représente­r les gens d’Outremont, qui m’ont choisi pour les représente­r. Après que le nouveau chef sera installé, je vais regarder comment les choses se présentent et je vais tenter de préparer l’après, peu importe le moment où ça arrivera. Et qu’est-ce qui vous fait hésiter ? Les opportunit­és qui sont en train de se présenter. Je suis en discussion avec trois université­s en ce moment. Et c’est un milieu qui me plaît bien. Des gens dans la pratique privée du droit m’ont aussi approché. Ce sont des opportunit­és, il faut regarder le bon moment pour ces choses-là. Entre mon sens du devoir et ce sentiment que je dois préparer l’après, il faut que je fasse l’équilibre. Que voulez-vous qu’on retienne de votre passage à Ottawa ? Ma plus belle réussite, celle dont je suis le plus fier, c’est d’avoir fait du NPD un parti national, chose qu’il n’a jamais été auparavant. C’est une prouesse en soi d’avoir été considéré comme possible gouverneme­nt. N’oubliez pas que depuis 150 ans, le gouverneme­nt n’est contrôlé que par deux seuls partis, les conservate­urs et les libéraux. Ils gouvernent sans partage depuis que le Canada existe. Maintenant, quand les Québécois regardent l’échiquier au fédéral, ils pensent au NPD aussi. Je serai toujours très fier de ça.

« CE N’EST PLUS UNE PÉRIODE DE QUESTIONS, C’EST UNE PÉRIODE DE LECTURE DU PREMIER MINISTRE! » – Thomas Mulcair, chef sortant du NPD

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PHOTO SARAH BELISLE Thomas Mulcair dans son bureau du Parlement à Ottawa.
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