Sites d’injection bien accueillis
Des centaines de seringues ont évité d’être jetées dans les ruelles depuis l’ouverture des trois sites, lundi
Les sites d’injection supervisée à Montréal vont sauver des vies, assure Gyro, un héroïnomane qui a perdu une douzaine d’amis à travers le pays en l’espace d’un an et demi à cause de surdoses probablement liées au fentanyl.
«Montréal en a besoin. La ville est de pire en pire. Il y a de plus en plus en junkies et ils vont consommer leur dope de toute façon. Aussi bien que ce soit dans un centre», poursuit l’homme de 30 ans, croisé à la sortie du centre Cactus Montréal, un nouveau site d’injection supervisée (SIS) situé rue Berger, au centre-ville.
Trois SIS ont ouvert leurs portes lundi dernier à Montréal, au grand soulagement des intervenants du milieu qui luttent pour la cause depuis des années.
Ils craignent entre autres l’arrivée massive du fentanyl dans la métropole, un opiacé ultrapuissant qui fait des ravages aux États-Unis et au Canada anglais.
Gyro est d’ailleurs certain que la dose d’héroïne qu’il vient de s’injecter sous la supervision d’une infirmière est coupée au fentanyl.
«C’est garanti. Ça a un goût d’ail et c’est beaucoup plus lourd comme sensation», lâche-t-il, les paupières lourdes et les cheveux en bataille.
Il préfère qu’on l’appelle par son surnom et refuse de se faire prendre en photo, car il quête pour acheter son «fix» et craint que les passants arrêtent de lui donner du change s’ils savent ce qu’il compte en faire.
Il fait partie des 4000 utilisateurs de drogues injectables de la métropole et il est accro aux opiacés depuis l’âge de 15 ans. Il a essayé d’arrêter par le passé, mais il a rechuté au bout de six ans. «Et maintenant, c’est quotidien», dit-il, un peu désespéré.
EN SÉCURITÉ
«Ici, j’ai pu consommer en sécurité, sans crainte. Les gens sont professionnels… Je me sentais bien et à l’aise», dit Gyro, ajoutant qu’il s’est déjà fait menacer par des policiers à plusieurs reprises dans le passé.
«Ils m’ont déjà encerclé et sorti leurs armes en me criant de lâcher l’aiguille alors que j’allais m’injecter. Cinq guns contre une seringue…», lâche-t-il en hochant la tête.
Un autre homme de 26 ans, originaire de Montréal et accro aux opiacés depuis maintenant un an et demi, en était à sa deuxième visite au centre en deux jours mercredi après-midi.
«Je pense vraiment que c’est une bonne chose. Surtout pour la propreté de la ville. Il y a tellement de seringues qui traînent partout à Montréal, dit celui qui préfère ne pas révéler son nom. Et pour ceux qui s’injectent de l’héroïne, ils te prennent en charge tout de suite si tu fais une overdose.»
Il vient de s’injecter une dose d’hydromorphone pharmaceutique achetée à 10 $ dans la rue. Semblable à l’héroïne, dit-il, mais moins cher.
Même s’il paraît en pleine forme quelques minutes après avoir pris sa dose, les marques de piqûres sur ses avant-bras trahissent la dépendance qui le fait souffrir lorsqu’il est en manque.
«C’est comme être malade et avoir mal partout en même temps. On consomme surtout pour se sentir mieux», dit-il, en ajoutant qu’il espère bientôt s’en sortir.