Le Journal de Montreal

De mes mains froides et sans vie

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WASHINGTON | L’expression ne vous dit peut-être rien, mais vous avez sûrement vu l’image: l’acteur Charlton Heston, à l’époque – mai 2000 – aussi président de la National Rifle Associatio­n, le lobby proarmes aux États-Unis, tenant à bout de bras une carabine et jurant qu’on n’allait lui enlever son arme que le jour de sa mort.

Il y a des réflexes indécrotta­bles et un d’entre eux est de se demander, après un autre incident impliquant une arme à feu, si un meilleur contrôle des armes devrait être imposé.

Le dernier incident du genre a été celui impliquant des élus républicai­ns sur un terrain de baseball de la banlieue de Washington. Steve Scalise, un congressma­n influent au sein du parti, a été grièvement blessé à la hanche par un militant démocrate rendu fou par Donald Trump.

Cette attaque-là, il faut le préciser, bien que terrifiant­e pour ceux qui étaient visés, n’a fait qu’un mort, le tireur luimême, abattu par les policiers du Capitole qui assurait la protection de Steve Scalise. Rien à voir, comme bilan, avec les fusillades qui se répètent année après année, de l’école secondaire Columbine au bar Pulse d’Orlando, en passant par l’université Virginia Tech.

UN CAS PERSONNEL PEUT-ÊTRE

Si des tueries de masse ou le massacre d’enfants n’ont pas conduit à un resserreme­nt des lois sur le port d’armes, certains ont cru que le fait que des élus eux-mêmes – et républicai­ns par-dessus le marché – aient été pris pour cible allait leur faire comprendre, dans leur propre chair, la nécessité d’agir.

Oubliez ça! Pour Tom Garrett, un représenta­nt républicai­n de Virginie, l’agression du terrain de baseball l’a conforté dans sa volonté de faire adopter un projet de loi permettant à tout bon citoyen de se promener avec un pistolet en poche. Encore plus déterminé, son collègue Chris Collins, de l’État de New York, a annoncé que lui n’attendrait pas et qu’il porterait désormais son arme dans tous les événements publics.

DE LA FABULATION AU CUBE

Par rapport au contrôle des armes à feu, il y a dans ce pays ceux qui sont pour, ceux qui sont contre et ceux qui «voient les vraies affaires». Ma fille aînée me racontait une rencontre qu’elle a récemment faite. Elle se trouvait dans un des grands parcs de la capitale américaine avec un ami quand une femme d’une cinquantai­ne d’années, arrivée en voiture, y a fait descendre ses cinq chiens.

Puis, découvrant que ma fille et son copain étaient francophon­es, elle leur a demandé ce qu’ils pensaient des «attaques en France». Le «It’s so sad!» de ma fille n’a pas suffi à la dame. «Vous savez», leur a-t-elle lancé, «que ce sont des faux signaux (false flags).» Euh, des faux signaux? «Oui, ces tueries sont organisées par le gouverneme­nt. Le 11 septembre, l’école Sandy Hook, c’est le gouverneme­nt!»

Ma fille insiste: la femme blanche, parfaiteme­nt articulée, avait l’air banalement normal. «Et vous savez pourquoi le gouverneme­nt fait ça? Pour nous prendre nos armes, nous effrayer et nous pousser à lui remettre nos armes.» Et de conclure, avant que ma fille ne parte, épouvantée: «Dommage qu’ils aient eu à tuer des enfants pour en arriver là!»

La relation des Américains avec les armes est complexe. Ils en font une maladie et pour certains d’entre eux, une maladie mentale.

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