NOS AGENTS SECRETS NE SONT PAS TOUS DES 007
Informations divulguées sans autorisation, documents secrets envoyés par erreur...
Le nombre de manquements à la sécurité est en hausse au sein des services secrets. L’an dernier, c’est un employé sur huit du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui s’est vu reprocher son imprudence. Des informations sensibles ont même été divulguées sans autorisation, révèlent des documents obtenus par notre Bureau d’enquête.
Avec 419 cas en seulement six mois (avril à septembre 2016), le nombre de manquements à la sécurité commis par les employés du SCRS n’a jamais été aussi élevé depuis 2012.
La proportion d’employés qui ont reçu un avis à cet effet a grimpé d’un sur 10 en mars 2016 à un sur huit, six mois plus tard.
Divulgation non autorisée d’informations classifiées, documents secrets envoyés à l’externe par erreur, informations sensibles «possiblement» envoyées sur le web, la liste des incidents inquiète vivement d’anciens employés du SCRS.
Dave Charland, un ex-agent de cet organisme chargé de lutter contre l’espionnage et le terrorisme au Canada, a confié avoir «des frissons» quand il pense à ce que des personnes mal intentionnées pourraient faire avec des données classifiées du SCRS.
«Communiquer des informations sensibles, c’est grave. J’aimerais savoir si les personnes qui ont fait ça ont encore leur job», dit-il.
LAXISME
Impossible de connaître la réelle portée et le contexte de ces manquements à la sécurité puisque la SCRS a fourni des documents très caviardés en réponse à notre demande d’accès à l’information.
M. Charland dit espérer que la majorité des manquements repérés au sein des services secrets canadiens ont été mineurs. «Mais il y a des éléments préoccupants là-dedans. Certains manquements me semblent majeurs.»
Ex-agent du SCRS, Michel Juneau-Katsuya se dit, lui, surpris par le nombre élevé de fautifs.
«Un employé sur huit, ça témoigne d’un certain relâchement, d’un certain laxisme qui doit être corrigé. Le SCRS travaille non seulement avec les informations sensibles du Canada, mais aussi avec celles de nos alliés. On doit les protéger [...] Ça peut aller jusqu’à mettre la vie de personnes en danger», dit-il.
Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en surveillance et en construction sociale du risque, Stéphane Leman-Langlois, se demande si le SCRS doit ajuster ses pratiques.
«Les protocoles sont pourtant hyper clairs. Mais c’est fou de voir à quel point certains employés ne font pas attention», dit-il.
«TRÈS AU SÉRIEUX»
Le SCRS n’a pas voulu répondre à plusieurs de nos questions.
Par courriel, la porte-parole Tahera Mufti a indiqué que le SCRS prenait ces manquements à la sécurité «très au sérieux».
«En raison de la nature de son travail, le SCRS fonctionne dans un milieu très secret [...] Le SCRS procède à des contrôles de sécurité réguliers pour s’assurer que ses employés protègent adéquatement les informations.»
En décembre 2015, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) avait rappelé à l’ordre l’organisme fédéral quant à la nécessité de se protéger contre les fuites ou la perte de documents secrets.
En décembre dernier, notre Bureau d’enquête révélait que six téléphones cellulaires et un ordinateur portable appartenant à des employés du SCRS ont été volés ou perdus depuis quatre ans.