Le Journal de Montreal

Daniel Poliquin cherche femme rousse

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Inspiré par l’affaire Coffin, un fait divers qui a marqué le Québec des années 1960, le talentueux écrivain Daniel Poliquin propose une incursion phénoménal­e dans la vie quotidienn­e du Québec de ces années marquées par de grands changement­s, aux côtés de personnage­s colorés et savoureux dans son nouveau roman, Cherche rouquine, coupe garçonne.

Son propos est extrêmemen­t intéressan­t. « J’ai entendu parler de l’affaire Coffin quand j’étais enfant et c’est un sujet qui revenait souvent dans l’actualité », dit l’auteur. Un auteur de romans policiers français, en visite à Ottawa, lui avait dit qu’il était tombé sur un livre traitant de cette fameuse affaire et de la pendaison du présumé coupable, et il trouvait qu’il y avait là matière à roman.

L’idée a pris forme, petit à petit, puis l’écrivain s’est lancé. « J’ai fait un peu de recherches, j’ai lu le livre de Jacques Hébert et les journaux de l’époque, puis je me suis dit : “Faut que ça sorte !” Et c’est sorti tout seul », dit-il. L’histoire est finalement racontée par une rouquine, Odette, qui fut la maîtresse de l’homme pendu par erreur.

« J’ai lu tout ce qui était réalité, j’ai pris connaissan­ce des faits. Et je me suis dit : “On sait que ce n’était pas lui.” C’est fascinant, mais c’est une affaire réglée. Quand tu lis tous les détails, comme la pendaison, l’enquête et tout, tu te rends compte que ce qui est révolu a une couleur romanesque. Ce qui appartient au passé a l’air inventé. Ça alimentait mon imaginatio­n, qui ne demandait pas mieux... C’est comme ça qu’on passe facilement d’une réalité qui n’est pas possible à la fiction. Il n’y a plus de peine capitale au Canada. Cette réalité d’autrefois appartient à la fiction. »

INSPIRATIO­N

Autre aspect intéressan­t : la plupart des personnage­s qui apparaisse­nt dans le roman viennent du vécu de l’auteur. « Odette, c’est le portrait-robot de deux ou trois de mes tantes qui ont fui leur village [Sainte-Angèle] et qui sont arrivées à Montréal. C’était comme découvrir Paris ou je ne sais quoi. La différence, c’est que mon Odette vient d’Ottawa et que ce qu’elle vit, c’est ce que mes tantes ont vécu. Elles me racontaien­t comment c’était, en 1955, à Montréal. »

Daniel Poliquin a également relu tous les journaux de l’année 1961 pour se remettre dans le contexte, examinant autant les articles que la publicité ou le courrier du coeur. « J’ai retrouvé des articles de mon père, qui était journalist­e à l’époque. C’était six ans avant l’Expo. J’ai eu énormément de plaisir à faire ça. »

Il a pu revisiter toute une époque, au-delà de l’affaire Coffin, et il en a fait une histoire savoureuse, intéressan­te, d’une grande intensité. « Le meurtre perd de son importance : la rouquine décide de raconter une histoire. Elle finit par raconter celle des autres... et la sienne. Le roman fait un retourneme­nt sur soi – un mouvement qui épouse le mouvement même de la vie et de la conversati­on. »

Daniel Poliquin y a consacré une année entière... et il calcule qu’il y a 40 années de métier derrière tout cela. « Ce roman est vraiment sorti d’un seul coup et c’est ce qui explique, je pense, son caractère naturel. Ce sont des choses qui ont été vécues par d’autres et qui m’ont été racontées. » » Daniel Poliquin est romancier, essayiste

et traducteur. » Ses romans ont remporté de nombreux pris, dont le prix littéraire Trillium et le Prix des lecteurs de Radio-Canada.

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PHOTO COURTOISIE
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DANIEL POLIQUIN Cherche rouquine, coupe garçonne Éditions Boréal – 278 pages
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