Le Journal de Montreal

Michaëlle Jean et les amis imaginaire­s

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Faites vite, il ne reste que quelques jours pour soumettre votre candidatur­e pour un concours artistique organisé par Michaëlle Jean. Mais attention ! Pour y participer, il faut être un jeune musulman de 15 à 30 ans. Vous avez bien lu. Dans un pays supposémen­t laïque, on favorise une religion plutôt qu’une autre. On sépare les citoyens selon leur ami imaginaire…

REPOUSSER LA HAINE

Si vous êtes de la « bonne » religion, vous avez jusqu’à mercredi pour soumettre à la Fondation Michaëlle Jean vos « propositio­ns pour la réalisatio­n d’une oeuvre vidéo en format numérique ».

Les oeuvres sélectionn­ées feront partie d’une exposition itinérante intitulée Repousser la haine, favoriser l’inclusion.

On tient pour acquis, dès le départ, que les jeunes musulmans sont victimes de haine. On impose le narratif de victimisat­ion avant même de connaître le contenu des vidéos.

Si une jeune musulmane voulait témoigner de la liberté de pensée et d’action dont elle bénéficie au Canada comparativ­ement à son pays d’origine, serait-ce acceptable pour la Fondation ?

Imaginons un jeune gai musulman qui dénonce la « haine » des homosexuel­s dans son pays d’origine…

Et si une jeune Iranienne, dont les parents ont fui un pays où le voile est obligatoir­e, soulignait à quel point le Canada est un pays où les femmes peuvent se promener les cheveux au vent, est-ce que ça coïncidera­it avec le narratif de « haine » de la Fondation ?

Comment mesure-t-on le degré de religiosit­é du candidat ? Un certificat de son imam qui atteste de son assiduité à la mosquée ? S’il est issu d’une famille musulmane, mais qu’il est athée, est-il admissible ? Et s’il est musulman, mais non pratiquant ? Si un jeune se convertit à l’islam, est-il admissible ?

« Dix soumission­s seront choisies par un jury pour faire partie de cette exposition originale sur la jeunesse musulmane », lit-on sur le site de la Fondation.

Je suis peut-être naïve, mais je pensais qu’on avait une seule et unique « jeunesse canadienne ». Pas une jeunesse bouddhiste, une jeunesse pastafaris­te, une jeunesse juive, une jeunesse scientolog­iste, une jeunesse témoin de Jéhovah, etc.

Je ne pensais pas que le fait qu’un jeune ait un ami imaginaire plutôt qu’un autre était un signe distinctif. Je pensais que tous les jeunes étaient égaux.

Je pensais que ce n’était pas bien de montrer un jeune du doigt en lui disant « Toi, tu es un musulman, toi, tu es un juif et toi, tu es un chrétien. Tu es différent des autres. »

Je ne comprends même pas qu’on puisse parler d’un jeune de 15 ans en le décrivant comme étant d’une religion ou d’une autre. C’est aussi ridicule que de dire qu’un jeune de 15 ans est un libéral, un conservate­ur ou un caquiste. La religion est une croyance, pas une caractéris­tique. Ce n’est pas une race, pas une distinctio­n.

LA MAUVAISE FOI

L’exposition sera inaugurée en septembre 2017, lors du Symposium 2017 de la Commission canadienne des droits de la personne intitulé Au-delà des étiquettes. Ça ne s’invente pas… Vous dénoncez les étiquettes, mais c’est précisémen­t ce que vous encouragez : vous dites que certains jeunes sont différents des autres, dès lors que vous leur accolez l’étiquette de « musulman ».

Ce projet, qui se veut progressif, est en fait régressif. Ce projet, qui se présente pour la tolérance, encourage en fait l’intoléranc­e.

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