Le Journal de Montreal

Oui nous irons à Old Orchard

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille @quebecorme­dia.com

Faut-il bouder les États-Unis à cause de Trump ? Certains le prônent.

Ils refusent de visiter le pays de l’oncle Sam tant que mononc’ Donald sera à la tête du gouverneme­nt.

Après l’élection (2000) et la réélection (2004) de George W. Bush, il y eut des mouvements semblables. « Pas question d’encourager ces Américains qui ont voté du mauvais bord ! », entendait-on.

J’ai pour ma part du mal à me passer de mes séjours annuels au sud de la frontière.

On peut être en désaccord avec le résultat du système électoral des présidenti­elles américaine­s — système étrange autant qu’archaïque —, je ne vois pas comment on peut réduire ce pays à un tel choix ; ou aux décisions de celui qui l’a emporté. À appliquer cette logique, on ne voyagerait pas beaucoup.

Certains prétendent que le boycott est encore plus justifié aujourd’hui qu’à l’ère Bush.

Ils font valoir que si vous êtes homosexuel ou musulman, il y a une véritable augmentati­on des risques. Depuis que Donald Trump a publié une vidéo de lui massacrant un « homme-CNN », comme journalist­e en tout cas, on peut... plaisanter en disant qu’on appartient à une catégorie plus en danger qu’avant.

AMÉRICANIS­ATION

Paradoxe : les personnes qui prônent un tel boycott et celles qui sont très critiques à l’égard de Trump « consomment » de l’américain jusqu’à plus soif chez elles.

Elles ne regardent plus la télé, mais Netflix. N’écoutent plus d’albums, mais Spotify ou iMusic. Font probableme­nt leurs courses chez Costco, etc.

Au scrutin commercial où « acheter, c’est voter », elles ne refusent aucune des offres que leur font les États-Unis. Point de boycott ici, au contraire, il y a une américanis­ation !

L’intérêt pour la politique américaine est tel que certains se débranchen­t même de celle de leur propre nation. « Je me suis désabonné des journaux québécois, je lis le New York Times », m’a-t-on récemment confié.

La politique américaine est devenue un tel feuilleton qu’elle fascine dans le sens fort et hypnotisan­t du terme. Trump a un effet Messmer !

Cet homme est tellement typé que, dans une oeuvre de fiction, il serait peu crédible. On reprochera­it à l’auteur son manque de réalisme, la simplicité psychologi­que des personnage­s.

Mais dans ce nouveau monde des médias qui demande toujours plus de « réalité » (télé-réalité, vidéo-réalité, etc.), Trump répond à une sorte de désir pervers sans fin. Ce président semble même chercher, selon une stratégie néo-machiavéli­que, à cultiver ce désir.

Y ALLER QUAND MÊME

Pour ma part, j’irai quand même. En écoutant la chanson de Sylvain Lelièvre « Oui nous irons, à Old Orchard cet été ». (Que les patriotes des vacances ne s’inquiètent pas : je voyagerai aussi au Québec !)

Je roulerai, en vélo ou en auto, sur leurs belles routes, en me disant que la formidable République issue d’une révolution qui éclata il y a 241 ans aujourd’hui est assez solide pour résister aux assauts du trumpisme les plus destructeu­rs.

J’ai du mal à me passer de mes séjours annuels au sud de la frontière.

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