Le Journal de Montreal

UNE INVITATION À SOUPER CHANGERAIT SA VIE

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Tout ce que souhaite Suzanne Otis, c’est qu’on l’invite à souper…

Pas tous les soirs, juste une fois de temps en temps. Mais ce genre d’invitation, l’aînée de 67 ans les compte chaque année sur les doigts d’une seule main. Tout comme les visites et les appels qu’elle reçoit chez elle.

« Ça arrive que je ne parle à personne toute une journée », confie-t-elle candidemen­t.

Ses seules sorties, dit-elle, sont d’aller à l’épicerie et à la messe une fois par semaine.

Depuis six ans, elle a un petit appartemen­t dans un HLM de l’arrondisse­ment de Mercier–Hochelaga-Maisonneuv­e. Même dans son vaste immeuble, entourée d’autres locataires, Mme Otis se sent souvent invisible.

Pour passer le temps, elle tricote ou elle fait des casse-têtes dans la salle commune de son édifice à logements. Les soirs, ce sont les joueurs du Canadien ou les prisonnièr­es d’Unité 9 qui lui tiennent compagnie devant sa télévision.

« Les fins de semaine, je vois les gens autour qui partent dans leurs familles, mais moi je reste toute seule », observe-t-elle à contrecoeu­r.

Orpheline depuis de nombreuses années, elle a deux frères, qui vivent loin de Montréal, et quelques cousins.

FAMILLE ÉLOIGNÉE

Elle se trouve chanceuse si elle réussit à les voir une fois par année. Mais elle ne leur en veut pas pour autant. « Ils ont tous leur famille, leur vie, je comprends », mentionne Mme Otis.

« J’ai passé le temps des Fêtes seule, j’ai eu beaucoup de misère à trouver une place où aller. Ma cousine m’a reçue chez elle, mais juste deux semaines après », poursuit-elle.

La sexagénair­e n’a pas non plus un grand réseau d’amis. « Ce sont plutôt des connaissan­ces », décrit-elle. Elle a vécu toute sa vie de prestation­s d’aide sociale, l’empêchant de tisser des liens avec des collègues de travail, par exemple.

Elle fait partie des Associés montfortai­ns au sanctuaire Marie-Reinedes-coeurs, où elle a rencontré certaines de ses connaissan­ces, qu’elle appelle à l’occasion, mais « pas très longtemps ».

FAIBLE REVENU

L’été lui permet de se déplacer plus facilement. Ses problèmes d’arthrite et d’équilibre la forcent à marcher avec une canne, mais l’hiver avec la glace ou lorsqu’il pleut, elle a toujours peur de tomber.

« Je prends des taxis, mais je ne peux pas aller trop loin, car il ne faut pas que ça me coûte trop cher », explique-t-elle.

Son faible revenu l’empêche aussi d’avoir accès à internet sur son vieux portable, qui lui sert juste à jouer à quelques jeux pour passer le temps. Encore autonome et en assez bonne santé, elle ne craint pas de mourir bientôt, même si elle a souvent l’impression de mourir d’ennui.

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SUZANNE OTIS 67 ans

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