Le Journal de Montreal

Jamais elle n’a pensé vivre si longtemps… toute seule

Vincenza Delisi se dit chanceuse d’avoir toute sa tête à 97 ans, mais trouve le temps long

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Âgée de 97 ans, Vincenza Delisi a enterré tous ses proches. Jamais l’aînée de Laval ne pensait vivre aussi longtemps, seule et confinée dans un fauteuil roulant.

« Je suis assise ici du matin au soir et je regarde les murs », confie Mme Delisi, partagée entre la colère et l’ennui. Le plus frustrant, dit-elle, c’est qu’elle a encore toute sa tête malgré son âge.

Veuve depuis 20 ans et sans enfant, cette Italienne au franc-parler a longtemps su garder une vie active avec ses amis et ses proches. Mais tout est parti en fumée, il y a quatre ans, quand elle s’est cassé la hanche.

« Ç’a tout tué, quand je suis tombée infirme », laisse-telle tomber, en étouffant ses sanglots.

Mme Delisi raconte qu’elle se trouvait à l’hôpital quand une préposée pressée lui a accroché les deux pieds avec la marchette qu’elle transporta­it.

Elle a dû se résigner à quitter la résidence pour aînés autonomes où elle habitait depuis quelques années, puisqu’elle n’avait pas les services adéquats pour son fauteuil roulant.

« J’ai trouvé ça dur », dit-elle à propos de son déménageme­nt. Déracinée et loin des amis qu’elle côtoyait, Vincenza Delisi sort maintenant si rarement, qu’elle ignore même dans quel quartier de Laval elle réside.

NULLE PART SEULE

« Je ne peux pas aller nulle part toute seule, ça prend toujours quelqu’un pour me pousser. Je peux prendre le transport adapté, mais encore, ça me prend quelqu’un et c’est de la trouver cette personne », explique la nonagénair­e, qui ne veut rien de plus que d’aller passer un avant-midi à se promener dans les allées d’un Walmart.

Puis, même si elle a des neveux et des nièces, dit-elle, ils travaillen­t tous et ils sont occupés.

« À l’âge que j’ai, c’est dur de trouver de nouveaux amis, tout le monde est plus jeune que moi », raconte celle qui s’étonne encore de penser qu’elle pourrait bientôt souffler 100 bougies.

Cette solitude qui l’étouffe est nouvelle pour Mme Delisi, qui a travaillé 20 ans au magasin Eaton entourée de femmes. Elle a arrêté quand son mari, qui travaillai­t pour le Canadien Pacifique, a pris sa retraite et préférait qu’elle reste à la maison avec lui.

Incapables d’avoir des enfants, son mari et elle ont fait le tour de plusieurs couvents pour adopter un enfant, mais les astres n’étaient pas alignés. Le père de Mme Delisi a aussi vécu 15 ans avec le couple avant de mourir.

C’est après la mort de son mari, parti trop tôt en seulement trois jours en 1998, que Mme Delisi a découvert l’organisme Les Petits Frères. Elle aimait les dîners en groupe ou encore les sorties organisées à Oka auxquels elle participai­t fréquemmen­t.

Aujourd’hui, c’est une bénévole de l’organisme qui vient à elle, une fois par semaine, pour égayer un peu ses journées.

« JE SUIS ASSISE ICI DU MATIN AU SOIR ET JE REGARDE LES MURS » – Vincenza Delisi, 97 ans

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PHOTO HUGO DUCHAINE Fabyola Stiven (à gauche) et Vincenza Delisi (à droite) se rencontren­t simplement pour jaser toutes les semaines. C’est la seule visite que reçoit l’aînée et qui n’a rien de médicale.

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