Attendre que le téléphone sonne
Germaine Babin, 82 ans, a toujours peur de déranger ses proches
Germaine Babin regarde parfois son téléphone et espère qu’il se mette à sonner, juste pour avoir quelqu’un à qui parler pendant cinq minutes.
« Des fois c’est ennuyant, je pleure plus souvent qu’à mon tour », confie l’aînée de 82 ans, qui peut passer des journées entières sans parler à personne.
Celle qui se décrit comme « une vraie vieille fille », vit seule depuis 30 ans dans le même appartement d’une coopérative d’Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal.
Originaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, elle a toujours habité avec ses parents, même quand elle travaillait comme opératrice téléphonique ou au bureau de poste.
Elle les a suivis à Montréal quand ils ont eu envie de vivre en ville à la retraite. Elle a un frère qui habite à Laval et une soeur qui est encore au Saguenay.
Mme Babin sait qu’elle pourrait décrocher le téléphone et les appeler, mais elle a toujours peur de déranger.
« Je suis faite de même », dit-elle en haussant les épaules. Même chose pour ses voisins qu’elle côtoie lors des réunions de sa coopérative.
« Je trouve que j’ai l’air niaiseuse […] je vais leur parler de quoi. Eux discutent de leurs enfants, de leur travail, des chums qu’ils n’ont plus et qu’ils veulent avoir, pis moi… », laisse-t-elle tomber en baissant les yeux, incapable de trouver quelque chose à raconter sur sa vie.
Germaine Babin trouve son quotidien entre les quatre murs beiges de son appartement plutôt redondant.
« Ce que j’ai fait il y a 50 ans, ça les intéresse-tu ? », se demande-t-elle, trop réservée pour leur poser la question.
MORT
Avec l’âge, le réseau social s’effrite d’année en année, comme le remarque Mme Babin. Elle avait une amie avec qui elle aimait aller à la Place Versailles pour magasiner. Mais depuis la mort de celle-ci, au mois d’août, elle n’a pas remis les pieds dans le centre commercial.
Ses problèmes aux hanches la confinent aussi à son logement puisque, lors des jours de pluie ou de neige, elle a peur de tomber et de se faire mal, surtout qu’elle n’a plus de médecin de famille depuis cinq ans.
Le CLSC, dit-elle, est incapable d’en recruter de nouveaux. Une chance, poursuit-elle, que la pharmacie a renouvelé sa prescription pour ses médicaments contre le diabète, mais elle n’a aucun suivi.