Indignation sous le soleil
Un étranger qui s’intéresserait aux Québécois à partir des réseaux sociaux trouverait que nous sommes, cet été, un peuple très fâché.
Ça va du tragique au trivial. Le gouvernement a donné trop d’argent à un terroriste pour les uns. Notre société manque d’empathie envers un enfant-soldat pour les autres.
Il y a aussi Céline Dion, cette ingrate dont on aimait justement qu’elle ne nous ait jamais surpris. Elle nous fait l’affront de s’habiller comme ça lui chante, imaginez-vous donc.
Les personnes qui, nombreuses, s’émeuvent du mal-être qui remplirait présentement l’existence de notre Céliiiiiiine ne se rendent pas compte qu’elles font la démonstration du vide qui occupe la leur.
TOUT LE LONG DE NOTRE FIL
Et ça continue ainsi, tout au long de notre fil d’actualité. Voilà t’y pas qu’une des soeurs Boulay critique les hommes qui l’ont mal traitée. On s’en prend aux boys club ou aux féminisssssss (à prononcer avec la langue sortie, pour plus de perfidie).
Parlons encore d’elles, ces bougresses qui ont l’odieux de vouloir être considérées de manière égale aux hommes. On ne se rend pas compte qu’on défend ouvertement un traitement différencié pour les femmes en réclamant qu’elles cachent leurs seins au Village Vacances Valcartier.
Peu de gens réalisent que les adolescents en rut qui s’en émouvront représentent plus le problème que celles qui voudront bronzer sans démarcation.
UNE SAISON SI COURTE
En plein été, cette saison qui dure deux semaines selon certains, c’est là-dessus qu’on juge utile de s’exprimer. Ce qui nous choque, que ça ait un impact dans notre vie ou pas.
Les tenants du sophisme du faux dilemme, par exemple ceux qui disent qu’on devrait indemniser les personnes innocentes avant Omar Khadr, s’émeuvent bien peu du sort de familles jetées à la rue, le 1er juillet dernier ; certaines à cause de la couleur de leur peau ou de leur religion.
Ça arrive chaque année. Pourquoi s’en surprendre encore ?
Mais bon. Plutôt que de s’indigner pour changer vraiment notre vie ou, à défaut, de profiter de l’été pour voir du pays, on s’en va au clavier pour s’offusquer que des femmes veuillent montrer leurs mamelons, elles aussi.
UN PEUPLE HEUREUX
Il faut bien admettre que, parmi ces controverses, l’affaire Khadr touche de réels enjeux de notre vie en société. Le fait qu’elle soit apparue dans le vide de l’actualité de juillet fait couler le sel de notre sueur estivale dans la plaie.
Au mois de septembre, on constatera peut-être que cela aura été la plus grosse nouvelle de l’été. Ce qui représente toute une amélioration par rapport à 2013, qui nous a laissé la terrible brûlure de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic.
À tout prendre, on préférera les controverses de cet été. C’est peutêtre ce qui prouve que nous sommes un peuple heureux. Une collectivité qui s’indigne du linge de sa plus grande vedette a sans doute tout ce dont elle a besoin pour vivre.
À moins que ça ne montre exactement le contraire.