Elle ne pesait que 70 livres
Après avoir perdu ses cheveux et ses sourcils, elle veut sensibiliser les jeunes à l’anorexie
TROIS-RIVIÈRES | Une femme anorexique de 29 ans parvient à vivre sans jeûner ou se faire vomir depuis maintenant quatre ans, mais doit combattre tous les jours ses pulsions alimentaires qui la mèneraient directement vers l’autodestruction.
Marie-Eve Corriveau a accepté de raconter son histoire pour sauver des vies. Elle souhaite sensibiliser les jeunes aux troubles alimentaires. Aujourd’hui, elle a tout d’une femme épanouie, avec son bambin de 22 mois, son beau-fils, son mariage à venir en octobre et son retour aux études.
À première vue, on ne pourrait pas se douter que derrière sa silhouette menue et athlétique se cachent au moins 20 ans de combat contre l’anorexie, et que si elle contrôle maintenant ses comportements dangereux, ses démons vont la suivre jusqu’à la fin de ses jours.
Chaque soir, quand elle se couche, elle sait avec précision tout ce qu’elle va avaler la journée suivante. Elle gère son corps au quart de tour.
Il y a une dizaine d’années, elle perdait ses cheveux, ses sourcils, et ses dents avaient des trous provoqués par l’acidité des vomissements.
« Cette maladie mentale a tué une grosse partie de ma vie. C’est comme si j’avais été morte pendant 15 ans. J’ai tout vécu, la dépression, les troubles d’anxiété, les tentatives de suicide », admet-elle avec aplomb.
10 ANS
Elle était âgée de seulement 10 ans quand elle a connu ses premiers épisodes de jeûne et ses premiers vomissements volontaires. Elle ne supportait pas de voir son corps changer à l’approche de la puberté.
Elle a commencé une thérapie externe à 12 ans à l’hôpital Sainte-Justine. Par-dessus le marché, elle souffrait d’intimidation et d’isolement à l’école.
« Qui veut être ami avec une fille qui est en dépression et qui se fait vomir? Je n’étais pas assez heureuse pour eux autres », raconte-t-elle.
Dans les pires moments, l’adolescente de 5 pi 1 po pesait autour de 70 livres.
EN PUBLIC
Elle ne mangeait jamais devant les gens, même pendant les partys de Noël. Elle avalait quelques raisins par jour, et parfois une soupe pour faire plaisir à son père, avec qui elle a grandi.
L’adolescente a été en thérapie externe à Sainte-Justine pendant six ans, et ensuite à l’Hôpital Douglas. Chaque semaine, son père lui disait de faire sa valise au cas où elle ne reviendrait pas de l’hôpital.
Elle a commencé à comprendre qu’elle avait un problème vers 18 ans. « Quand tu as 23, 24 ans et que tu te fais dire que tu ne pourras sûrement jamais avoir d’enfant parce que ton corps a trop souffert, c’est une méchante claque sur la gueule », dit-elle.
Contre toute attente, elle a remonté la côte et a mis au monde un garçon de 7 livres en août 2015.
Encore aujourd’hui, elle doit travailler fort pour maîtriser son alimentation au quotidien, sans compter qu’elle a souvent des maux de ventre et que ses sourcils n’ont pas vraiment repoussé. Faire refaire ses dents lui a coûté une petite fortune, sans oublier celles qu’on a dû arracher.
« QUI QUI EST VEUT EN ÊTRE DÉPRESSIONAMI AVEC ET UNE QUI FILLESE FAIT VOMIR ? JE N’ÉTAIS PAS ASSEZ HEUREUSE POUR EUX AUTRES » -Marie-Ève Corriveau