87 ans et encore camionneur
Il sillonne le Québec depuis 70 ans
Âgé de 87 ans, M. Carrier transporte encore chaque semaine des fruits et des légumes entre Montréal et La Sarre. Son poids lourd a fait place à une fourgonnette, mais ça ne l’empêche pas d’avoir un plaisir fou.
« C’est le plus beau métier du monde ! Tu parles à ton patron avant de partir, mais une fois que tu es assis dans le camion, c’est toi qui décides et tu fais ton travail du mieux que tu peux. Tant que je serai encore en forme, je ne vois pas pourquoi j’arrêterais. J’espère bien faire ça au moins jusqu’à 90 ans », a dit celui dont deux des cinq enfants ont pris leur retraite avant leur père.
IL TRICHE SUR SON ÂGE
En 1944, à l’âge de 14 ans, Arthur Carrier avait tellement le goût de conduire un camion qu’il s’est vieilli de trois ans pour avoir le droit de commencer. L’âge légal était alors de 20 ans, mais avec la signature de quelqu’un, on pouvait avoir son permis à 17 ans. À La Sarre, dans les années 1940, il y avait très peu de vérifications.
« Mon père ne voulait pas signer. Il disait que j’étais trop jeune. C’est le père de mon patron qui a accepté de le faire, trois ans avant que j’aie l’âge légal. Ça faisait déjà deux ans que j’étais helper et il avait besoin d’un chauffeur », se souvient M. Carrier.
8000 FOIS DANS LE PARC
Arthur Carrier trouve les camionneurs d’aujourd’hui très gâtés avec l’air conditionné et l’automatisation du chargement des camions. Dans ses premières années de travail, il devait remplir à la main son camion de bois. « On dit qu’on était camionneur, mais c’était beaucoup plus long de charger le camion que de le conduire entre Beaucanton et La Sarre », se souvient-il.
À partir de 1955 et pour une trentaine d’années, il a fait l’aller-retour entre La Sarre et Montréal ou Toronto trois fois par semaine. Il a dû franchir la Réserve faunique La Vérendrye plus de 8000 fois.
« Au début, la route n’était pas asphaltée. On pouvait faire plusieurs crevaisons par voyage. Il fallait être débrouillard », raconte-t-il.
Lorsque son épouse a reçu un diagnostic d’Alzheimer, il a cessé de faire du transport longue distance pour être auprès d’elle. Il travaillait de nuit en Abitibi et prenait soin de sa femme le jour. Celle-ci est décédée en 2015 et habitait toujours la maison familiale.
Malgré tout, M. Carrier a travaillé à plein temps jusqu’à l’âge de 79 ans. Depuis, il fait des petits contrats.
Carole Filiatreault ne voudrait confier le transport de ses fruits et légumes à personne d’autre que M. Carrier. « Il est tellement consciencieux. Des fraises ou des bleuets, c’est très fragile, mais avec lui, j’ai vraiment confiance », a-t-elle dit.
Depuis le décès de son épouse, il voit son travail comme une façon de passer le temps.
« Je suis vraiment mieux derrière un volant qu’assis devant ma télévision. Je connais tout le monde le long du trajet. Je ne serais pas capable de jaser au Tim Hortons pendant des heures comme d’autres le font », a-t-il dit.
D’ailleurs, ses plus beaux souvenirs demeurent les gens qu’il a rencontrés dans le cadre de son travail.
TESTÉ CHAQUE ANNÉE
Depuis qu’il a 75 ans, M. Carrier doit passer un examen de conduite chaque année pour avoir le droit de conduire des poids lourds. Il n’a jamais eu de difficulté à le passer, selon lui.
« Pour moi, un camion, c’est la plus belle aventure de ma vie. Je ne serais pas capable de ne plus conduire », dit-il.