Le Journal de Montreal

Mettre un médecin dans sa poche

Obtenir des services de santé à distance depuis un téléphone cellulaire est maintenant possible

- Anne Caroline Desplanque­s ACDesplanq­uesJDM

Consulter un médecin, obtenir un diagnostic et une ordonnance en tout temps et n’importe où de Montréal à Kuujjuaq, sans file d’attente, est maintenant possible à partir de n’importe quel téléphone intelligen­t.

« Avec toute la technologi­e qu’on a maintenant, j’aurais été surprise de ne pas avoir ça pendant ma grossesse. Pour moi, c’était tout naturel », indique Heather Watkins en parlant tout bas. Dans la pièce d’à côté, sa petite Samantha, huit mois, dort à poings fermés.

Quelques mois avant sa naissance, des analyses ont démontré que sa maman souffrait du diabète de grossesse. La future mère a aussitôt été prise en charge par l’équipe de télémédeci­ne du centre hospitalie­r de St. Mary qui l’a suivie tout au long de la grossesse.

Depuis le confort de son appartemen­t du Plateau-Mont-Royal, Mme Watkins mesurait son taux de glycémie quatre fois par jour et envoyait les résultats à l’hôpital grâce à un logiciel installé sur son ordinateur.

Le programme ajustait instantané­ment ses doses d’insuline et générait un rapport adressé à son médecin. Les infirmière­s répondaien­t aussi tous les jours aux questions de la patiente par le biais du même système informatiq­ue.

« Mon suivi s’est fait en temps réel, au quotidien. Alors, oui, ça a eu un impact positif sur ma santé et celle de mon bébé. Ça m’a fait gagner du temps et de l’énergie aussi », se réjouit Mme Watkins.

MARCHÉ EN EXPLOSION

Cette Montréalai­se est une pionnière, mais elle n’est pas seule. En 2016, entre 14 et 22 % des Canadiens ont utilisé des services de santé numériques, selon l’organisati­on Inforoute Santé du Canada. Ces services vont de la simple prise de rendez-vous en ligne ou du renouvelle­ment d’une prescripti­on à la très complexe opération téléguidée à distance ou à la consultati­on médicale en vidéoconfé­rence.

« Dans un horizon de cinq ans, il va y avoir beaucoup de services en télésanté, ça s’en vient très vite », prédit Benoit Brunel, président et créateur de Bonjour-Santé, une plateforme en ligne qui permet de prendre un rendez-vous d’urgence dans une clinique près de chez soi sans faire la file.

Pour le moment, la télésanté publique au Québec comme a pu l’expériment­er Mme Watkins en est à ses balbutieme­nts, mais ailleurs, gouverneme­nts et entreprise­s privées se partagent un marché en pleine ébullition.

Aux États-Unis, le gigantesqu­e consortium de santé privée Kaiser Permanente offre déjà 50 % de ses services de santé à ses 8 millions de clients à distance.

DES MILLIONS ÉCONOMISÉS

En France, l’assureur AXA offre à ses clients un service de téléconsul­tation 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Sur la base d’un entretien au téléphone, les médecins d’AXA peuvent établir un diagnostic et télétransm­ettre une ordonnance au pharmacien du patient sans frais. Au Canada, la Colombie-Britanniqu­e rembourse déjà les consultati­ons médicales téléphoniq­ues et en vidéoconfé­rence.

Au Québec, la RAMQ ne prend pas en charge ce type de service. Toutefois, depuis octobre, la firme montréalai­se Dialogue Technologi­e commercial­ise une plateforme virtuelle qui permet de faire une consultati­on médicale en chat ou en vidéoconfé­rence avec des médecins généralist­es et spécialist­es depuis un téléphone mobile. Dialogue vend ses services uniquement aux entreprise­s afin qu’elles en fassent bénéficier leurs salariés dans leur bouquet d’avantages sociaux.

« Ça ne coûte pas un dollar au gouverneme­nt et ça vient enlever de la pression au système de santé publique », indique le cofondateu­r de Dialogue, Cherif Habib. Selon lui, « 70 % de toutes les visites médicales en première ligne peuvent être réglées au téléphone sans examen physique ». Globalemen­t, les avantages de la télésanté sur les plans de l’accessibil­ité, de la qualité et de la productivi­té se sont chiffrés à plus de 2,5 milliards de dollars dans l’ensemble du réseau canadien de la santé en 2015, indique Inforoute

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PHOTO ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S Atteinte de diabète de grossesse, Heather Watkins a été suivie à distance par le centre hospitalie­r de St. Mary pendant qu’elle attendait sa petite Samantha.
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