Le Journal de Montreal

Right fiers d’être des Dead Ducks ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

La semaine dernière, je vous disais que je trouvais absurde que le slogan des Jeux de la francophon­ie canadienne soit bilingue. En choisissan­t le slogan « Right fiers ! », les organisate­urs des jeux à MonctonDie­ppe ont montré à quel point le français parlé dans certains coins du Canada est devenu un franglais bâtard, ni chair ni poisson. C’est quand même hallucinan­t que lors d’un événement qui rend hommage à la langue de Molière on utilise un slogan qui rend hommage à la langue de Shakespear­e !

J’ai reçu beaucoup de courriels après la parution de cette chronique et j’aimerais y répondre.

LA FIERTÉ À UNE LANGUE

Certains m’écrivent pour me dire qu’au Québec on utilise plein d’anglicisme­s et qu’on n’est pas mieux que les Acadiens qui utilisent des expression­s bilingues comme « right fiers ».

Oui, au Québec, on dit « checker », « canceler », « céduler »… mais on n’en fait pas le slogan officiel d’un événement national !

Les jeunes disent « full » à tout bout de champ. Mais je serais la première à dénoncer le fait qu’un événement national ait pour slogan « Full fier d’être Québécois ».

Les Jeux de la francophon­ie canadienne ne célèbrent pas le bilinguism­e. Ils célèbrent le fait que de jeunes francophon­es vivent en français aux quatre coins du pays.

Donner un slogan bilingue à un événement francophon­e, c’est comme si un congrès de végétarien­s avait comme slogan : « Vive le tofu et le boeuf. » Les deux sont mutuelleme­nt exclusifs.

Le plus dommage, dans cette histoire, c’est que la langue française est riche, bourrée de poésie, d’images, d’évocation. Ce n’est pas comme si on avait été à court de mots pour parler de fierté…

Un Acadien m’a écrit pour défendre le français parlé dans son coin de pays. « Vous avez aucune perspectiv­e sur les défis que font face les organismes francophon­es à l’extérieur du Québec », m’a-t-il écrit. « Le Québec a une approche trop agressive quand ça vient à protéger sa langue. »

À lire votre texte bourré de tournures anglaises, je ne trouve pas, Monsieur, que le Québec soit trop agressif. Bien au contraire.

Dans ma chronique, je vous demandais si vous étiez surpris de ce choix de slogan. Un lecteur m’a répondu : « Je n’ai eu aucune surprise. J’ai pensé cependant que le titre approprié pour ce festival devrait plutôt être : Le Festival des Dead Ducks. Puis, je me suis dit que ça avait peut-être déjà été utilisé. »

Bien sûr, ce lecteur faisait référence à René Lévesque, qui a déjà déclaré que les francophon­es hors Québec étaient des dead ducks culturelle­ment parlant.

Disons que lorsqu’on voit que certains francophon­es sont fiers de parler un mélange de français et d’anglais, on a une petite pensée pour René.

LE SPORT N’A PAS DE LANGUE

Mais au-delà de tout ça, est-ce qu’on peut se poser la question de la pertinence même des Jeux de la francophon­ie canadienne ? Que des jeunes jouent au frisbee, au volleyball ou au basket en français ou en serbo-croate, ça change quoi ?

De plus, selon Radio-Canada, pendant les Jeux, qui se sont terminés samedi, un très grand nombre de jeunes se parlaient entre eux… en anglais.

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