Aucune indemnisation pour des années de viols
Aujourd’hui, elle considère son avocat Marc Bellemare comme le seul père qu’elle a eu
Après avoir vu sa vie ruinée par des agressions sexuelles à répétition pendant son enfance, une Montréalaise de 38 ans qui a dû se battre pendant quatre ans pour être reconnue comme victime déplore devoir encore attendre pour être indemnisée.
Le calvaire de Martine Legault a commencé lorsqu’elle avait 8 ans. Le conjoint de sa mère s’est mis à l’agresser presque tous les jours, et ce, jusqu’à ce qu’elle quitte la maison à 13 ans.
« J’ai l’impression d’être morte en dedans, a-t-elle confié. Je voudrais tellement que ça finisse pour que je puisse aller me chercher de l’aide et essayer d’être en paix. »
VIE TEINTÉE
Toute la vie de Mme Legault a été teintée par cette sombre période : solitude, toxicomanie, agressivité, violence. Depuis 2013, elle tente de recevoir une indemnisation de la direction de l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) et d’amorcer une guérison.
Comme les premiers viols ont débuté en 1987, Martine Legault a demandé à être considérée comme une victime depuis cette période.
L’organisme a refusé, prétextant que sa demande n’avait pas été déposée dans le délai d’un an prévu par la loi et qu’elle n’avait pas démontré l’impossibilité d’agir durant cette période.
PREMIÈRE VICTOIRE
C’est à ce moment que Mme Legault a contacté l’avocat Marc Bellemare, qu’elle considère comme le seul père qu’elle ait jamais eu.
« C’était tellement gros comme histoire que je ne pouvais pas laisser passer ça », a-t-il indiqué. Après deux refus et quatre ans de démarches, elle a gagné une première bataille lorsque le Tribunal administratif a ordonné à l’IVAC de revoir sa décision.
Le mois dernier, l’organisme a donc accepté la demande d’indemnisation de Martine Legault, mais a fixé la date de l’événement au 1er décembre 2012, soit le jour où elle a trouvé le courage de porter plainte contre son agresseur.
« C’est de l’acharnement et du harcèlement, s’indigne Me Bellemare. Ce qu’ils veulent, c’est épuiser les victimes par tous les moyens. »
À ce jour, l’IVAC refuse toujours d’indemniser Mme Legault depuis 1987 même si un psychiatre a déclaré qu’elle souffrait d’une grave névrose liée aux agressions. Le médecin a également confirmé qu’elle était « non fonctionnelle » depuis 1987 à cause du traumatisme subi. D’autant plus que son beau-père ne s’en prenait pas qu’à elle. Son frère cadet, une personne de petite taille, a encaissé de nombreux coups pendant cette même période.
« Il jouait avec ma tête parce que plus je disais non, plus il battait mon frère », relate-t-elle.
Des moments qui ne cessent de la hanter, comme les fois où celui qu’elle surnomme « le monsieur » lui touchait les parties génitales tout en donnant des coups de pied à son frère.
MORT AVANT L’ENQUÊTE
Au grand dam de Mme Legault, son agresseur est mort d’une crise cardiaque quelques heures avant son enquête préliminaire, mettant du coup fin aux procédures judiciaires.
« Je n’ai pas encore vécu, moi, a-t-elle soufflé. J’ai passé ma vie à le haïr et à vouloir le voir mort. J’ai engourdi mon mal de vivre avec de la drogue, j’ai eu des problèmes avec la justice et je n’ai jamais eu de relation qui avait du sens à cause de lui. Je déteste les êtres humains à cause de lui. »
Mais le plus grand malheur de sa vie demeure le jour où ses deux enfants ont été adoptés puisqu’elle n’était plus capable d’en prendre soin.
Pour des raisons de confidentialité, l’IVAC n’a pas souhaité commenter le dossier.