Hurler pour ne rien dire
C’est ce qu’on appelle se planter. Sept ans que les républicains partout aux États-Unis s’arrachaient la voix à dénoncer l’Obamacare, l’assurance-maladie adoptée sous Barack Obama : trop chère, trop grosse, trop compliquée ! « Un jour, on s’en débarrassera ! », promettaient-ils. Ce jour, c’était hier et qu’est-ce qu’ils ont adopté ? Nothing !
« Repeal and replace » (annuler et remplacer), le slogan s’est retrouvé de toutes les campagnes politiques depuis 2010, l’année qu’Obama signait une réforme de la santé que tous les présidents depuis trois quarts de siècle avaient tenté, chacun à sa façon, de faire voter. Un cheval de bataille que Donald Trump, à son tour, avait enfourché lors de la dernière course à la Maison-Blanche.
Il faut reconnaître que les élus républicains ne lui ont pas rendu la vie facile.
Cinq semaines à peine après avoir prêté serment, l’homme d’affaires reconnaissait devant les gouverneurs du pays qu’il s’agissait d’un « sujet extraordinairement complexe. Personne ne savait que les soins de santé pourraient être si compliqués. » En fait, à peu près tout le monde le savait, sauf lui, de toute évidence.
SI COMPLIQUÉS, LES SOINS DE SANTÉ
Il faut reconnaître que les élus républicains ne lui ont pas rendu la vie facile. En sept années à dénigrer l’Obamacare, ils n’ont jamais mis de l’avant un plan clair et détaillé pour prendre sa place. Pire, les républicains modérés voulaient en conserver certains aspects, alors que les plus conservateurs réclamaient que tout disparaisse.
Les idées qu’ils ont laissé flotter n’ont jamais abouti à un consensus, l’incohérence s’est installée et tout cela a abouti à ce qu’on a vu hier : un fiasco.
La gueule décrochée, Donald Trump s’est défoulé. Lundi soir, sur Twitter, il reprochait à certains républicains d’avoir manqué de loyauté ; mardi matin, il accusait ses adversaires démocrates de n’avoir rien fait pour aider… alors que ce sont des sénateurs républicains qui ont étouffé les derniers efforts pour abroger l’Obamacare.
INCONTRÔLABLE ET IMPRÉVISIBLE
Le président, fidèle à lui-même, agit en loose cannon. Il avait célébré, début mai, dans le Rose garden de la Maison-Blanche l’adoption par la Chambre des représentants d’une première version d’un projet de loi liquidant l’assurance-maladie d’Obama.
Puis, devant la possibilité, entre autres, que 22 millions d’Américains supplémentaires se retrouvent sans couverture médicale, il avait critiqué ce même projet loi de la Chambre des représentants comme étant « méchant », appelant les sénateurs à faire mieux.
Hier, devant l’incapacité du Sénat d’adopter quoi que ce soit d’autre, meilleur ou pire, Donald Trump s’est avoué « très déçu ». À bout d’espoir, il avait poussé, en vain, pour une annulation de l’Obamacare, en reportant à plus tard l’adoption d’un programme de rechange (peu importe que des millions d’Américains se retrouvent avec pratiquement rien en matière de soins de santé). Il est maintenant prêt à laisser l’Obamacare mourir de sa belle mort (au risque, encore une fois, que des millions d’Américains perdent toute couverture médicale).
C’est tout un pari de sa part : « Je ne prendrai pas le blâme. Je vous le dis, les républicains ne prendront pas le blâme. Nous laisserons l’Obamacare échouer, puis les démocrates nous demanderont de faire quelque chose. » Les électeurs, calcule-t-il, vont ultimement sanctionner les démocrates.
Sauf que la Chambre des représentants, le Sénat, la présidence et même, lentement, la Cour suprême se trouvent entre les mains des républicains. Par quelle mystérieuse équation, les Américains, devant leur bulletin de vote, en viendraient-ils à conclure que « tout ce bordel, c’est la faute des démocrates. » ? C’est clair, quelqu’un vit dans une bulle qui va bien finir par éclater.