Le Journal de Montreal

L’enfant du déluge

Le patineur Samuel Girard a été marqué par l’histoire de Ferland-et-Boilleau en 1996

- Alain Bergeron ABergeronJ­DQ

QUÉBEC | Depuis ce jour où Martine Bouchard a dû évacuer sa maison de Ferlandet-Boilleau en hélicoptèr­e avec son bébé dans les bras durant le déluge du Saguenay, on comprend mieux aujourd’hui, 21 ans plus tard, pourquoi Samuel Girard sait détaler à grande vitesse sur la glace.

L’étoile montante de l’équipe canadienne de patinage de vitesse portait une couche lorsqu’un ordre d’évacuation a été donné le 20 juillet 1996. La digue du lac Ha ! Ha ! venait de céder, détruisant notamment la route 381, qui conduit à La Baie. Sans électricit­é, Ferland-et-Boilleau était coupée du monde et, durant les opérations d’urgence menées par les Forces armées canadienne­s, ce bébé né le 26 juin et sa demi-soeur de 10 ans devenaient une priorité pour qu’on les héliporte en sécurité à la base militaire de Bagotville.

« Devoir partir avec un petit bébé de trois semaines pour atterrir à Bagotville où il y avait plein de monde, on n’oublie jamais ça. Ma mère était avec moi et pleurait. En plus, on nous a dit que mon conjoint ne pourrait pas partir avec nous. J’ai répondu : “Il n’en est pas question, il embarque lui aussi !” » raconte aujourd’hui Martine Bouchard, la maman de celui qu’on voit comme l’un des principaux acteurs de l’équipe de courte piste aux Jeux olympiques de Pyeongchan­g.

« Cet été-là, j’ai fait un tour d’hélicoptèr­e et ce n’est même pas dans mes souvenirs ! » rigole le patineur, sacré vice-champion sur 1500 m et troisième au cumulatif des mondiaux en mars dernier.

TOUCHÉ PAR LES HISTOIRES

Très attaché à ses racines, Girard a voulu s’imprégner de l’histoire de ce déluge qui a marqué sa petite localité, à défaut de l’avoir vécue de visu comme la majorité de ses concitoyen­s. Les dégâts majeurs qu’il n’a pas vus dans les semaines suivant la catastroph­e, il les constate quand il y retourne.

Il décèle encore les cicatrices laissées par les inondation­s dans les recoins où il s’aventure avec son véhicule tout-terrain. C’est aussi dans l’âme des quelque 600 habitants qu’il en mesure l’étendue.

« Ce sont surtout toutes ces histoires des gens qui ont perdu leurs biens qui m’affectent. Tu te retrouves à la rue. Tu as perdu ta maison, tes souvenirs, tes photos de famille, tes biens, tout est parti. Tout ce que tu avais dans le passé est effacé. C’est terrible », s’exprime l’athlète avec empathie.

« C’est un village qui est marqué à vie, dit-il. C’est pour des gens comme mon père et mon grand-père que ça me touche. Il y a des familles dont la maison familiale a été emportée. Nous, la maison familiale de mon père a eu plein d’eau et elle a dû être démolie. Il y a une grande partie de la population, dont mon père, qui a travaillé des mois et des mois pour reconstrui­re des routes et des maisons. »

FIERTÉ DU VILLAGE

« On va être bien fier s’il réussit [à se qualifier pour les prochains Jeux olympiques, lors des sélections canadienne­s de courte piste du 12 au 20 août à Montréal], les gens de la municipali­té aussi. Samuel a toujours dit fièrement qu’il venait de Ferland-et-Boilleau. Moi aussi. Je suis venu au monde ici et je vais faire ma vie ici jusqu’à mon dernier jour », assure son père Grégoire, conseiller municipal.

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PHOTO COURTOISIE Samuel Girard pose avec sa mère, Martine Bouchard, et son père Grégoire, lors du dévoilemen­t d’un panneau en son honneur dans sa municipali­té de Ferland-et-Boilleau, il y a deux ans.
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