Le Journal de Montreal

Vers l’ALÉNA 2.0 : le Canada joue gros

- PIERRE MARTIN @PMartin_UdeM

Le signal de départ de la renégociat­ion de l’ALÉNA vient d’être donné à Washington et, alors que l’attention sera tournée vers la rhétorique protection­niste du président Trump, c’est le Congrès qui tiendra la clé de l’avenir économique du continent.

Aux États-Unis, l’administra­tion Trump vient de publier la liste imposante de ses objectifs pour la renégociat­ion de l’ALÉNA. Si le président obtient tout ce qu’il veut, l’accord tripartite sera méconnaiss­able.

Le programme est ambitieux et les élections prochaines au Mexique et aux États-Unis imposent un calendrier serré, à moins que les partenaire­s décident de pelleter les problèmes vers l’avant.

TRUMP VEUT TOUT GAGNER

Selon Donald Trump, les Américains sont les grands perdants de l’ALÉNA et il faut chambouler l’accord à l’avantage exclusif des États-Unis.

Les États-Unis souhaitent abolir les obstacles à l’accès au marché canadien en agricultur­e, en télécommun­ications et dans le commerce de détail en ligne, en plus de rapatrier vers leurs tribunaux le règlement des différends.

Tous s’entendent pour clarifier les règles d’origine dans les secteurs touchés par l’intégratio­n continenta­le de la production, dont l’automobile, mais Trump réclame des concession­s à sens unique du Canada et du Mexique.

Si le président avait toute la latitude qu’ont eue certains de ses prédécesse­urs dans les négociatio­ns passées, il y aurait de quoi s’alarmer.

C’EST LE CONGRÈS QUI TIENT LA CLÉ

Pourtant, grâce entre autres à la méfiance qu’avaient les législateu­rs républicai­ns envers Barack Obama au sujet du défunt partenaria­t transpacif­ique, le Congrès jouera un rôle plus important dans les négociatio­ns à venir que pour les accords initiaux avec le Canada et le Mexique.

Depuis les années 1930, le Congrès s’est protégé contre ses penchants protection­nistes en déléguant une large part de l’autorité de négociatio­n au président, mais une loi de 2015 a redonné un rôle plus actif aux législateu­rs.

Pour les partenaire­s des ÉtatsUnis, ce n’est pas nécessaire­ment une mauvaise nouvelle. En effet, les membres du Congrès sont d’abord motivés par la défense des intérêts existants et les

exportateu­rs américains qui bénéficien­t présenteme­nt de l’ALÉNA feront de fortes pressions pour ne pas perdre leurs acquis.

DES CHOIX DÉCHIRANTS

Le Canada pourrait bénéficier de la présence du Congrès dans un dossier où l’impétuosit­é d’un président imprévisib­le représente un risque réel. Au minimum, cette présence apportera plus de transparen­ce aux négociatio­ns.

Ottawa fait bien de miser sur les secteurs et régions qui bénéficien­t de l’ALÉNA pour faire pression sur le Congrès, mais le maintien des acquis, surtout en ce qui concerne l’enjeu crucial du règlement des différends, ne viendra pas sans concession­s.

Les négociateu­rs canadiens ne pourront pas gagner sur tous les fronts. Entre l’exception culturelle, la gestion de l’offre agricole, les barrières dans les télécommun­ications et les services financiers, entre autres priorités, il faudra faire des choix difficiles.

Pour préserver un accord commercial vital pour le Canada, le gouverneme­nt Trudeau ne peut pas chercher à plaire à tout le monde.

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