Maman, c’est quoi la haine ?
Maman, c’est quoi la haine ? Toute jeune, après m’être fait crier « j’haïs les Canadiens français ! » en me rendant à l’école, j’avais posé cette question existentielle à ma mère. D’une grande sagesse, sa réponse allait comme ceci.
Il ne faut surtout pas confondre la haine avec la peur ou l’ignorance. La haine, c’est quand on oublie que nous sommes tous des humains qui méritent le même respect. C’est quand on pense qu’une personne différente de nous est inférieure ou dangereuse. La haine, disait-elle, ça ne se raisonne pas.
En voyant des incidents haineux refaire surface dans la foulée du rejet par référendum d’un cimetière musulman à Saint-Apollinaire, les explications de ma mère me sont revenues en tête.
Que ce soit le colis haineux envoyé au Centre culturel islamique de Québec, la réapparition d’une affiche « Saguenay ville blanche » à Saint-Honoré ou des autocollants anti-immigration aperçus à Sherbrooke, difficile de ne pas y voir la manifestation d’une haine troublante.
C’est d’ailleurs le genre de tactique classique d’intimidation visant à faire peur à un groupe de personnes clairement identifié. Or, la première bonne nouvelle est que ces incidents sont rares. La deuxième est que les populations locales les dénoncent. La troisième est que nos parlements ne comptent aucun parti politique de cette même eau infecte.
PREMIER DEVOIR
La mauvaise nouvelle est qu’au Québec et dans le reste du pays, des incidents antimusulmans, antisémites ou anti-immigration ont néanmoins lieu.
Dans un tel contexte, ce qu’en disent nos élus est d’une importance capitale.
Leur premier devoir est de parler d’une seule voix et d’agir de manière à clarifier les enjeux. Exemple de ce qu’il faut dire : la création d’un cimetière musulman, séparé ou pas, n’est pas une question d’« accommodement raisonnable », mais de droit fondamental.
Exemple de ce qu’il ne faut pas faire : lancer une consultation sur la « discrimination systémique et le racisme » dans une société ouverte et diversifiée comme le Québec. C’est pourtant ce que le gouvernement Couillard faisait hier.
Annoncée en été, neuf ans après le rapport Bouchard-Taylor oublié sur une tablette par les libéraux et quatre ans après le gâchis de la charte péquiste des valeurs, cette présumée « consultation » est bien la dernière chose dont le Québec a besoin.
ÉCRIT DANS LE CIEL
Le résultat est écrit dans le ciel : un énième défouloir polarisant sur des questions sensibles, dont les principales pistes de solutions sont archi connues depuis des années. Ne manque que la volonté politique pour les appliquer.
Au lieu de pacifier l’atmosphère par des actions concrètes, le premier ministre, en pleine année préélectorale, prend le chemin contraire pour des raisons strictement partisanes. Question, c’est évident, de continuer à dépeindre les partis d’opposition comme un repaire de dangereux xénophobes toujours prêts à souffler sur « les braises de l’intolérance ».
En cette année qui s’est ouverte sur un attentat meurtrier contre une mosquée, la société québécoise méritait un premier ministre capable de s’élever au-dessus de la mêlée indépendamment du calendrier électoral. Meilleure chance la prochaine fois…
Au lieu de pacifier l’atmosphère [...], le premier ministre [...] prend le chemin contraire pour des raisons strictement partisanes.