Le Journal de Montreal

Ils fuient leur pays pour ne pas devoir abandonner le vélo

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Réfugiés africains

ADDIS ABEBA | (AFP) Daniel Teklay a porté le maillot de l’équipe d’Érythrée à travers l’Afrique pendant plusieurs années, mais, en 2016, ce cycliste a fui l’un des régimes les plus répressifs au monde et rejoint clandestin­ement l’Éthiopie, ses rêves de petite reine en poche.

« J’ai décidé de quitter l’Érythrée, et je ne veux pas y retourner », expliquet-il à l’AFP, à l’occasion d’un entraîneme­nt matinal en périphérie de la capitale éthiopienn­e, Addis Abeba.

DE L’ÉRYTHRÉE À L’ÉTHIOPIE

Car un an après son exil, Daniel est à nouveau en selle.

Ce cycliste de 24 ans participe à des compétitio­ns en Éthiopie, voisin et ennemi juré de son pays d’origine.

Il est même le meilleur coureur d’une équipe de réfugiés aux résultats impression­nants, malgré d’importants obstacles financiers et logistique­s.

L’Érythrée a hérité de sa colonisati­on par l’Italie une culture cycliste ayant produit des coureurs tels que Daniel Teklehaima­not et Natnael Berhane, qui ont participé au Tour de France. Mais des centaines de milliers d’autres Érythréens, dont de jeunes athlètes, ont quitté leur pays.

Or, une fois exilés, rares sont les sportifs érythréens pouvant s’adonner à leur passion.

Les dix membres de l’équipe de réfugiés érythréens s’estiment donc chanceux : « Ici, en Éthiopie, je peux faire du mieux que je peux avec mes qualités », se félicite Daniel.

SERVICE MILITAIRE ILLIMITÉ

L’Éthiopie accueille de nombreux réfugiés qui fuient la guerre et la faim minant des pays voisins comme le Soudan du Sud et la Somalie. L’Érythrée est, elle, plus qu’un simple voisin tourmenté : cet ancien territoire éthiopien sur les bords de la mer Rouge est indépendan­t de fait depuis 1991, et les deux pays se sont fait la guerre entre 1998 et 2000.

Le régime érythréen est accusé par l’ONU de crimes contre l’humanité et de soutenir l’extrémisme islamique.

Nombre des 160 000 réfugiés érythréens en Éthiopie, dont Daniel et son équipe, sont des jeunes souhaitant échapper au « service national » à durée illimitée, que l’ONU et des organisati­ons de défense des droits de l’homme assimilent à de l’esclavage.

Filimon Gebrezabih­r assure avoir vu ce « service national » détruire plusieurs rêves de carrière cycliste. « C’est grâce à cela que j’ai appris qu’il était impossible d’atteindre ce rêve » en Érythrée, dit cet autre membre de l’équipe.

Plutôt que de raccrocher le vélo, « j’ai fui », raconte-t-il.

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