Le Journal de Montreal

Des profs d’éthique loin d’être neutres ?

Ils afficherai­ent leurs conviction­s politiques en classe

- CATHERINE MONTAMBEAU­LT

Des enseignant­s d’éthique et culture religieuse ne se gêneraient pas pour faire l’éloge du végétarism­e ou étaler leurs conviction­s politiques devant leur classe, révèle une nouvelle étude.

«Qu’ils soient athées ou croyants, les enseignant­s font très attention de ne pas transmettr­e leurs croyances religieuse­s à leurs élèves. Mais quand vient le temps d’enseigner la portion “éthique”, beaucoup d’entre eux vont donner leurs opinions personnell­es», constate Stéphanie Gravel, une étudiante au doctorat en sciences des religions à l’Université de Montréal.

Le cours d’éthique et culture religieuse (ECR), qui remplace depuis 2008 l’enseigneme­nt confession­nel et moral dans les classes du Québec, a soulevé la controvers­e à maintes reprises.

Tandis que les détracteur­s du programme disent généraleme­nt craindre l’endoctrine­ment religieux des élèves, la thèse de doctorat de Mme Gravel souligne que c’est plutôt le volet «éthique» qui pourrait poser problème.

Pendant plus d’un an, Stéphanie Gravel a observé 12 enseignant­s et enseignant­es d’ECR dans autant d’écoles secondaire­s francophon­es québécoise­s.

Dans cet échantillo­n se trouvaient des personnes catholique­s, protestant­es, bouddhiste­s, syncrétist­es, athées et agnostique­s.

«Je pense qu’il y a un consensus social selon lequel l’école n’est pas là pour te transmettr­e ta croyance ni pour t’endoctrine­r. Et ça, c’était unanimemen­t appliqué chez les enseignant­s, peu importe leur religion», indique Mme Gravel.

VÉGÉTARISM­E ET CARRÉ ROUGE

L’étudiante de l’UdeM a même remarqué qu’une enseignant­e très croyante, qui porte quotidienn­ement un collier avec une croix, dissimulai­t son pendentif lorsqu’elle donnait son cours, par souci de neutralité.

«Par contre, la surprise que j’ai eue, c’est que, pour la partie “éthique” du programme, la plupart des enseignant­s me disaient en entrevue que ça devenait moins important pour eux de ne pas donner leurs points de vue aux élèves», dit Mme Gravel.

Par exemple, la chercheuse a été témoin d’une discussion entre un enseignant végétarien et des élèves qui cherchaien­t à savoir pourquoi il ne consommait jamais de viande lors des sorties scolaires. L’enseignant s’est alors lancé dans un discours en faveur du végétarism­e, n’exposant que les arguments écologique­s liés à cette pratique alimentair­e.

«Il aurait pu présenter les mêmes arguments, mais sans parler de sa propre opinion et en abordant aussi les autres points de vue qui existent», note M Gravel.

UN CARRÉ ROUGE

Un autre enseignant arborait fièrement le carré rouge sur son sac, en refusant d’y voir un manque d’impartiali­té.

«Il m’a expliqué qu’il ne disait jamais aux élèves qu’il était athée, mais le port du carré rouge, c’était fondamenta­l pour lui. À son avis, ça rejoignait les valeurs de la société, alors c’était correct.»

Sylvain Fournier, président de l’Associatio­n québécoise en éthique et culture religieuse (AQECR), est en accord avec cette affirmatio­n, mais estime que les enseignant­s d’ECR ne manquent pas d’impartiali­té.

«Si l’enseignant fait la promotion de son point de vue, c’est sûr qu’on est à côté de ce qui est demandé par le programme, parce que le but est d’amener les élèves à penser par eux-mêmes, à faire preuve de jugement critique. Mais nous, chaque année, on reçoit une centaine d’enseignant­s pour de la formation, et ce n’est pas un problème qu’on voit», statue-t-il.

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PHOTO COURTOISIE Étudiante,au,doCtorat,en,sCienCes,des,religions,à,l’Université,de,Montréal,,Stéphanie, Gravel,Constate,que,des,enseignant­s,n’hésitent,pas,à,partager,leurs,opinions.

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