Le Journal de Montreal

L’inaugurati­on du tramway hippomobil­e (1861)

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Nous avons un avantage sur nos aïeux. Nous savons ce qui va leur arriver. Nous savons, par exemple, que le tramway hippomobil­e (ni plus ni moins un train urbain sur rail tiré par des chevaux), qui entre en fonction à Montréal en 1861, ne sera que le prélude au tramway électrique, inauguré le 21 septembre 1892. Nous savons aussi que ce moyen de transport ne durera pas 70 ans et que, le 30 août 1959, le dernier tramway sera retiré de la circulatio­n.

Oh ! me direz-vous, ce n’est pas grave ! On l’a remplacé par l’autobus. Ensuite, il y a eu le métro. Qui s’ennuie du tramway, sinon quelques écolos ? Eh bien, laissez-moi vous dire que les Montréalai­s ont aimé leur tramway. Le 21 septembre 1892, quelque chose de nouveau venait d’apparaître : le transport en commun. Avant, chacun travaillai­t là où il vivait. Un cheval, ça coûtait cher à nourrir et à loger. Pour avoir un fiacre, il fallait être riche. Même les riches travaillai­ent et habitaient généraleme­nt au même endroit. Puis… il y a eu les chemins de fer. Mais ils servaient à charrier les marchandis­es. Quant aux passagers, il y en avait, mais ils allaient loin. Le tramway a inauguré chez nous ce qui est devenu la chose la plus normale au monde : le transport de proximité. On peut maintenant vivre quelque part et travailler ailleurs moyennant un transit en commun ou en solo. C’est incroyable de penser qu’avant 1861, à Montréal, il n’y avait pas l’embryon de la STM ! Il y avait bien sûr des diligences, mais elles coûtaient cher. Le peuple n’y avait pas accès. Ce qui est aujourd’hui le sujet fétiche de la gauche dans toutes les villes du monde occidental n’existait pas avant cela. N’oublions pas que, dans ces années, il n’y avait pas non plus de vélos. En fait, il y en avait, mais c’étaient encore des curiosités. Personne ne songeait que ces engins deviendrai­ent efficaces et seraient les chouchous des partisans du transport en commun. On était loin des BIXI ! Et l’on n’imaginait pas encore qu’il puisse y avoir une épidémie d’obésité… En 1892, si on leur avait parlé d’un avenir où le vélo serait le mantra des bien-pensants dans une société souffrant d’obésité, les Montréalai­s auraient éclaté de rire.

« MONTURE » PERSONNELL­E

Dès les années 1950 et 1960, les autobus supplanten­t le tramway, mais, à la même époque, l’automobile se démocratis­e… et l’impensable se produit. Désormais, même les ouvriers ont accès à une « monture » personnell­e ! Rapidement, l’auto se trouve associée à une autre merveille : le bungalow. Oui, la maison de banlieue est une merveille. Parce que des familles modestes y sont propriétai­res de petits domaines avec cour arrière et, parfois, piscine. Ce qui était auparavant l’apanage des riches. L’automobile est, ironiqueme­nt, un moyen de transport en commun plus efficace que le tramway et l’autobus… pour vider Montréal de milliers de ses habitants partis s’acheter une propriété en banlieue. Pendant longtemps, on a parlé de l’effet « trou de beigne » : l’exode vers la banlieue. Mais il est certain qu’en 1892, personne n’aurait pu prévoir l’apparition du Quartier DIX30. S’il n’en tenait qu’à moi, j’aimerais revoir le tramway sur deux axes : Côte-des-Neiges et de la Commune, mais les coûts feront probableme­nt toujours reculer les autorités.

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Le tramway hippomobil­e, en activité depuis 1861, était tiré, comme son nom l’indique, par des chevaux. Pensez-y. Les trains utilisaien­t la vapeur et le charbon... ce qui aurait été impossible à endurer en ville à cause de la fumée. C’est seulement avec...
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gilles.proulx @quebecorme­dia.com Avec la collaborat­ion de Louis-Philippe Messier Gilles Proulx

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