Le Journal de Montreal

Les acheteurs de petites autos défavorisé­s par Québec

Une politique verte pourrait même favoriser les véhicules énergivore­s

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S Actuelleme­nt, 14 390 véhicules électrique­s circulent sur les routes du Québec. Le gouverneme­nt veut faire grimper ce nombre à 100 000 d’ici 2020.

La politique pro-véhicules verts du gouverneme­nt du Québec risque de coûter cher aux consommate­urs de voitures à essence les moins fortunés, déplore l’Institut économique de Montréal.

Dès 2018, les fabricants automobile­s seront obligés de respecter des quotas de ventes de véhicules hybrides et électrique­s. S’ils ne respectent pas le plancher imposé par Québec, ils devront acheter des crédits au gouverneme­nt ou à leurs concurrent­s qui auront réussi à respecter les quotas.

Pour Germain Belzile, chercheur associé à l’Institut économique de Montréal et à HEC, il n’y a pas de doute que cette facture sera transmise aux consommate­urs sous la forme d’une « taxe déguisée ». L’économiste calcule que le coût additionne­l dû aux quotas sera en moyenne de 175 $ de plus à l’achat d’un véhicule à essence en 2018. La note grimpera à 1100 $ en 2025, à mesure que Québec augmentera les quotas.

Cette facture sera la même que l’on achète une petite sous-compacte à faible consommati­on ou un luxueux VUS énergivore. Résultat : « Les ménages plus pauvres qui achètent des voitures moins coûteuses feront face à des augmentati­ons proportion­nellement plus élevées que les ménages plus aisés, qui achètent des voitures plus luxueuses », explique M. Belzile.

POLLUEURS FAVORISÉS

Indirectem­ent, Québec favorisera donc les acheteurs de VUS énergivore­s, déplore le chercheur.

« Si le prix d’un Ford F-150 augmente de 1000 $, ça ne fera pas une grande différence pour l’acheteur, qui est déjà prêt à payer 30 000 $. Mais pour l’acheteur d’une Yaris à 15 000 $, 1000 $ de plus, ça fait une différence », explique-t-il.

Patrick Bonin, de Greenpeace, est lui aussi critique de la politique pro-voiture électrique du gouverneme­nt.

« Il n’y a pas assez de bâtons, dit l’écologiste. Il ne faut pas seulement encourager l’achat de véhicules écoénergét­iques, mais aussi décourager l’achat des énergivore­s. »

M. Bonin souligne que ce système de bonus-malus a fait ses preuves en Norvège, où la moitié du parc automobile est déjà à faible émission.

Il est de plus fiscalemen­t neutre pour l’État puisque les avantages consentis aux consommate­urs écolos sont payés par la surtaxe imposée aux pollueurs.

Mais pour Bertrand Schepper, chercheur à l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS), Québec fait fausse route en misant sur les véhicules électrique­s pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

« Ce qu’il faut, c’est réduire notre dépendance à la voiture, qu’elle soit à essence ou électrique », plaide-t-il.

TRANSPORT PUBLIC

« Actuelleme­nt, on subvention­ne des gens qui ont les moyens, ceux qui s’achètent des voitures. Pendant ce temps, un trajet en autobus Montréal-Québec coûte plus cher qu’un trajet en voiture individuel­le, c’est scandaleux », gronde M. Schepper.

Selon ce chercheur, au lieu de donner 8000 $ à chaque acheteur de voiture électrique, Québec devrait utiliser ces sommes pour subvention­ner massivemen­t le transport en commun, comme le font déjà 75 villes européenne­s où le transport public est totalement gratuit.

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En voulant encourager l’achat de voitures électrique­s comme la Leaf de Nissan, le gouverneme­nt du Québec risque de stimuler indirectem­ent les ventes de véhicules énergivore­s comme le Ford F-150 (en mortaise), estime l’Institut économique de Montréal....

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