La fierté sur commande
La réaction courroucée du maire de Montréal aux complaintes pourtant légitimes de nombreux citoyens et commerçants sur son choix de planter la Formule E en plein centre-ville, est un cas d’espèce fascinant et inquiétant.
Les Montréalais sont habitués à la mèche courte de leur maire, mais cette fois-ci, ça dépasse l’entendement. Blâmant les médias pour leur couverture qu’il juge trop « négative » - un grand classique -, le maire Coderre multiplie les diversions. Question, on s’en doute bien, d’éluder les vraies questions.
Aux nombreux citoyens et commerçants du Centre-Sud de Montréal enclavés comme dans une cage à poules, il leur répond que la « vaste majorité » en est tout à fait heureuse. Sur quoi se base-t-il pour le dire ? Mystère et boule de gomme.
Les Montréalais sont habitués à la mèche courte de leur maire, mais cette fois ça dépasse l’entendement.
LE SACRIFICE DES AUTRES
Quand on lui demande pourquoi ne pas tenir la Formule E au circuit Gilles-Villeneuve, loin des quartiers habités, il lance que cela aurait coûté trop cher. Soit de 10 à 15 millions de dollars. D’où viennent ces chiffres ? Sa réponse : des experts « nous ont dit des choses ». Ah bon ?
Face aux barrages d’inconvénients endurés par plus d’un millier de résidants affectés par le bruit et l’extrême difficulté de circuler, y compris pour des personnes de tous âges à mobilité réduite, que dit le maire ? Il salue leurs « sacrifices » tout en les minimisant.
Selon le maire, la Formule E - une course d’autos électriques -, serait une formidable « vitrine internationale » pour Montréal. Un genre d’aimant irrésistible à touristes et une nouvelle « grappe industrielle » en devenir. Encore une fois, la question n’est pas là.
S’il avait tenu la Formule E au circuit Gilles-Villeneuve, il aurait atteint les mêmes buts sans virer le CentreSud de Montréal à l’envers en plein coeur de l’été.
De toutes ses lignes de presse, la plus gênante est celle de la « fierté ». « Pouvez-vous vous montrer fiers!». À chaque entrevue, le maire répète son incantation.
IN EXTREMIS
Le problème est que sa commande fait appel aux sentiments et non pas à la raison. Elle rappelle d’ailleurs celle de Philippe Couillard qui, face aux critiques d’un contrat mal ficelé avec Bombardier, exhortait les Québécois à « aimer » cette dernière. Comme si on pouvait « aimer » une compagnie…
En politique, ce type de commande est moitié diversion et moitié chantage émotif. Un chantage qui suppose de la déloyauté éhontée envers Montréal dès qu’un doute est soulevé sur le choix du maire quant au lieu même de la Formule E ou ses coûts inexplicables.
La diversion ultime est la promesse in extremis du maire Coderre de procéder à un post mortem après la Formule E. Traduction : pour les deux prochaines années prévues au contrat, se pourrait-il qu’elle change de lieu ?
Quand on lui pose la question, le maire reste étonnamment évasif. On ose à peine le penser, mais serait-ce là, le début de l’ombre d’une pointe de l’aveu d’une mauvaise décision ?
En attendant la suite, je fais relâche jusqu’à la mi-août. Au plaisir de vous retrouver.