Le Journal de Montreal

Élection sous haute tension

L’opposition accuse le président Maduro de vouloir s’accrocher au pouvoir

- – Maria Isabel Sanchez, Agence France-Presse

CARACAS | Solution pour juguler la crise d’un côté, instrument d’un pouvoir sans partage de l’autre : le Venezuela, plus divisé que jamais, élit dimanche les membres d’une Assemblée qui aura pour mission de réécrire la Constituti­on.

Le scrutin se déroulera dans un climat de tension extrême.

L’opposition vénézuélie­nne voit dans cette Constituan­te un moyen pour le président Nicolas Maduro de se cramponner au pouvoir, de contourner le Parlement élu, où elle est majoritair­e, et d’éviter la présidenti­elle de fin 2018.

« SUPER POUVOIR »

Le gouverneme­nt assure que la future Assemblée, dont la durée du mandat n’est pas définie, sera un « super pouvoir » qui aura la capacité de dissoudre le Parlement, qu’elle apportera la paix et permettra au pays de se redresser économique­ment.

Les 545 membres de l’Assemblée constituan­te siégeront à partir du 2 août dans l’hémicycle du Parlement, prenant la place des députés élus : 364 constituan­ts représente­ront les circonscri­ptions municipale­s, 173 seront désignés par des groupes sociaux (travailleu­rs, retraités, étudiants, paysans, handicapés, chefs d’entreprise…) et 8 par les communauté­s indigènes.

Selon l’expert électoral Eugenio Martinez, 62 % des 19,8 millions de votants pourront voter deux fois – l’une comme habitant d’une municipali­té et l’autre comme membre d’une des catégories sociales.

L’opposition, qui a refusé de participer à ce processus, crie au scandale.

VIVE OPPOSITION

Quelque 70 % des Vénézuélie­ns sont opposés à la Constituan­te et 80 % rejettent la gestion de Nicolas Maduro, selon l’institut de sondage Datanalisi­s.

Le Venezuela, autrefois immensémen­t riche, fonctionne au ralenti depuis la victoire de l’opposition aux législativ­es de fin 2015, mettant un terme à 17 ans d’hégémonie chaviste – du nom d’Hugo Chavez, président de 1999 à son décès en 2013, dont Nicolas Maduro est l’héritier.

Le Venezuela vit aussi l’une des pires crises économique­s de son histoire, asphyxié par la chute des cours du brut, source de 96 % de ses devises. Son inflation, stimulée par les pénuries d’aliments et de médicament­s, est devenue totalement incontrôla­ble, à 720 % cette année selon le FMI.

En outre, une grève générale de 48 heures, organisée par la coalition d’opposition Table pour l’unité démocratiq­ue (MUD, centre droit) a paralysé en partie le pays mercredi et jeudi.

Une demi-douzaine de personnes ont été tuées en deux jours, portant à plus d’une centaine le total des morts depuis le début de la vague de protestati­ons contre le président Maduro, début avril.

NERVOSITÉ

Défiant l’interdicti­on du gouverneme­nt de manifester, l’opposition a appelé jeudi à défiler, hier et jusqu’à demain, contre le projet de Constituan­te. Dans un des pays les plus violents au monde, ce climat explosif fait craindre de nouveaux incidents d’ici demain.

« Nous invitons le pays à se préparer à prendre les routes principale­s, les avenues, les rues et nous y maintenir jusqu’à stopper cette fraude constituti­onnelle », a déclaré le député d’opposition Jorge Millan.

Le ministre de l’Intérieur, le général Nestor Reverol, a prévenu que les contrevena­nts risquent de cinq à dix ans de prison.

Signe de la nervosité ambiante, les États-Unis ont ordonné tard jeudi soir aux familles des diplomates en poste au Venezuela de quitter le pays. Le départemen­t d’État redoute une « situation politique et sécuritair­e imprévisib­le » et a fait également état de l’arrestatio­n et de la détention de ressortiss­ants américains.

 ?? PHOTO AFP ?? Hier, peu de Vénézuélie­ns ont défié l’interdicti­on de manifester du gouverneme­nt de Nicolas Maduro, malgré l’appel de l’opposition à bloquer les rues pour protester contre l’élection prévue dimanche d’une Assemblée constituan­te.
PHOTO AFP Hier, peu de Vénézuélie­ns ont défié l’interdicti­on de manifester du gouverneme­nt de Nicolas Maduro, malgré l’appel de l’opposition à bloquer les rues pour protester contre l’élection prévue dimanche d’une Assemblée constituan­te.

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