Le Journal de Montreal

Un film de guerre pour notre époque

Croyez tout ce que vous avez lu sur Dunkerque.

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Le film de Christophe­r Nolan, sur l’évacuation des troupes alliées en mai 1940, est une expérience cinématogr­aphique exceptionn­elle, qui évite tous les clichés du genre.

Mais au-delà de ses qualités cinématogr­aphiques indéniable­s, ce qui m’intéresse, dans ce film, n’est pas tant ce qu’il raconte ou ce qu’il montre que ce qu’il dit sur notre époque…

COMME APOLLO 13

Contrairem­ent à la plupart des films sur la Deuxième Guerre (et Dieu sait qu’il y en a, c’est l’un des genres les plus prolifique­s de l’histoire du cinéma), Dunkerque ne nous raconte pas comment les soldats alliés sont débarqués en Europe pour botter le cul des nazis.

Il raconte comment les nazis ont obligé les Alliés à reculer !

Bref, ce n’est pas l’histoire d’une victoire, mais celle d’une défaite.

En fait, on pourrait dire que Dunkerque est à la Deuxième Guerre ce qu’Apollo 13 était à la conquête de l’espace : la saga d’un échec.

Oui, les astronaute­s d’Apollo 13 étaient des génies, ils ont réussi à revenir sur Terre même si l’un des réservoirs d’oxygène de leur vaisseau avait explosé, en se réfugiant dans leur capsule et en utilisant les étoiles pour s’orienter – reste qu’ils n’ont pas réussi leur mission, soit ramasser des roches lunaires.

Idem pour les soldats sauvés à Dunkerque : entourés de toutes parts, pris dans un étau, ils ont dû traverser la Manche et revenir à la case départ.

Certes, c’était une retraite ingénieuse et courageuse, mais ce n’en était pas moins une retraite.

MINIMISER LES DÉGÂTS

Selon moi, ce n’est pas un hasard si Nolan a décidé de faire un film sur Dunkerque plutôt que sur le Débarqueme­nt (qui était, lui, une opération réussie).

C’est comme si, à notre époque, on ne pouvait plus faire de films de guerre victorieux, comme à l’époque de John Wayne et compagnie.

Comme si la victoire n’était plus une option envisageab­le.

Comme si la meilleure chose que nous puissions faire était de minimiser les dégâts.

Regardez la guerre contre l’islamisme, par exemple.

Qui croit en une victoire claire et nette ? Personne… sauf Donald Trump. La seule chose qu’on puisse espérer est de faire échouer le maximum d’attentats possibles.

C’est bien, mais on est loin des films patriotiqu­es hollywoodi­ens qui se terminaien­t par une défaite claire et nette des méchants !

LA SOCIÉTÉ CIVILE

Autre élément très intéressan­t dans Dunkerque : il célèbre le courage de la société civile.

Pas la société civile qui descend dans la rue par un bel après-midi ensoleillé pour frapper des casseroles. Pas la société civile qui s’indigne pour obtenir tel ou tel privilège.

Mais la société civile qui met sa tête sur le billot et sa vie en jeu pour sauver la démocratie !

C’est la société civile prise dans son sens le plus noble…

Qui de nos grands manifestan­ts profession­nels oserait, aujourd’hui, traverser la Manche avec un bateau de plaisance pour sauver des soldats ?

On baisse les bras devant les islamo-fascistes ! On ne défend même pas nos valeurs ! On ne désigne même plus la barbarie par son nom !

Plus encore que ses prouesses techniques, c’est ce message-là qui m’a bouleversé dans Dunkerque…

Les Alliés, dans ce film, n’avancent pas… Ils reculent !

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