Déficit d’attention à Washington
La présidence Trump, c’est un manège de parc d’attractions. Les gens qui y montent sont secoués d’un côté et de l’autre, grimpent dans les airs, puis retombent aussi vite. En quelques secondes, ils rigolent et crient de frayeur, croient que tout se calme enfin, avant d’être relancés dans un autre tourbillon.
Et de temps à autre, comme à Columbus, en Ohio, cette semaine, un des passagers est propulsé à l’extérieur et va se casser la gueule. Tout le monde regarde alors horrifié, avant que la folle machine ne se remette en marche et ne recommence son tournoiement.
Vendredi de la semaine précédente, Sean Spicer, le secrétaire de presse, se trouvait sur le siège éjectable; vendredi dernier, c’était au tour de Reince Priebus, le chef de cabinet de Trump. Si vous travaillez à la Maison-Blanche, ce serait peut-être une bonne idée de se déclarer malade le vendredi.
Pendant que ces intrigues de palais se poursuivent, voire se multiplient depuis que le président a recruté Anthony Scaramucci pour supposément ramener de l’ordre sur Pennsylvania Avenue, la Terre, elle, continue de tourner et les troubles ne se règlent pas d’eux-mêmes, au contraire.
ET AILLEURS, ÇA SE PASSE COMMENT ?
Kim Jong-un vient, une nouvelle fois, de prouver qu’il est le dirigeant le plus dangereux de la planète. Au moment où les regards amusés du reste du monde étaient concentrés sur le cirque washingtonien, la Corée du Nord procédait à un 14e tir de missile cette année, un Hwasong-14 qui, après avoir volé pendant 45 minutes, s’est abîmé en mer, à l’intérieur de la zone exclusive de 200 milles nautiques du Japon.
Le test montre, selon les experts, que ce missile, tiré à un angle plus horizontal, pourrait franchir plus de 10 000 kilomètres et potentiellement atteindre Los Angeles, Denver et même Chicago. La Chine, malgré l’influence qu’on lui soupçonne sur son petit voisin, n’a nullement freiné ses élans guerriers.
Les Japonais et les Sud-Coréens se rongent les ongles d’inquiétude. Les Russes ne sont pas plus rassurés, mais ils se frottent les mains devant l’échec des pressions américaines sur Pyongyang. La crise a besoin d’attention, mais Washington, on le voit, a d’autres priorités ces jours-ci.
ET LE MOYEN-ORIENT, LUI ?
La guerre en Syrie est aussi curieusement tombée dans l’oubli. À coups de sauvages offensives, le régime de Bachar al-Assad, soutenu par la Russie, a chassé islamistes et rebelles plus acceptables de plusieurs secteurs et une certaine forme de calme s’est installée au sein des ruines. Qui en sort gagnant, pour l’instant ? Moscou, Damas et Téhéran, trois capitales qui n’ont pas les intérêts de Washington à coeur, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ce n’est pas tout : les Kurdes – les meilleurs combattants, dit-on, sur le terrain – sortent aussi vainqueurs de ce conflit qui s’épuise. Ils ont « libéré » une vaste portion de territoire syrien à la frontière de la Turquie et ils ne le céderont pas facilement. Réalité inacceptable pour les Turcs, qui comprennent bien que l’autonomie kurde d’un côté de la frontière va nourrir les velléités indépendantistes des Kurdes de leur côté de la frontière.
Les extrémistes de l’État islamique s’accrochent ici et là en Syrie et en Irak, mais leurs jours sont comptés. Malheureusement, la destruction de leur califat meurtrier ne découragera pas ces fous d’Allah qui continueront de pervertir la religion du prophète à coups de poignard, comme à Hambourg vendredi, et de camions comme à Nice, Munich et Londres.
Les défis, bref, ne manquent pas. C’est l’attention du président américain qui fait défaut. Et à voir aller sa Maison-Blanche ces derniers jours, le reste du monde peut bien attendre.